Aiko se laissa choir sur un des sièges libres, sa limonade à la main. Même si son sourire était toujours présent sur ses lèvres, elle était un peu perdue quant à la marche à suivre. Kobe l'avait ignorée magistralement, Hikari-san semblait au bout du rouleau, et les quatre autres ne faisaient que roucouler ensemble. Ah ! Elle était sans doute de trop. Baissant son regard vers le sol, elle trempa ses lèvres dans la boisson sucrée, ses jambes se balançant doucement dans le vide. En même temps, elle faisait un peu tâche au milieu de ces gens si beaux et si... normaux ? Oui, c'était peut-être comme ça qu'elle pouvait les décrire. En apparence, ils n'avaient rien d'aussi foufou qu'elle, et il était évident qu'elle les agaçait tous plus ou moins. Enfin, ce n'était pas comme si elle n'en n'avait pas l'habitude. Tant pis. C'était pas si terrible que ça de n'avoir personne pour se soucier de vous, en tout cas, tant qu'elle pouvait réaliser son rêve, elle se moquait bien d'être seule. Parce qu'au final, si elle devenait Reine, alors elle pourrait rendre tout le monde heureux en deux-trois tours de main ! Cette idée réchauffa son cœur et elle retrouva brusquement toute sa gaieté ordinaire.

Vidant son verre, elle observa sagement ses amies et Hikari qui jouaient. Quand la blonde abattit toutes les quilles, elle applaudit vivement de ses petites mains et l'adolescente fut heureuse de remarquer le petit sourire qui ornait le visage de la jeune femme. Un bref instant, elle se dit qu'elle était vraiment mignonne, mais cette pensée fut aussitôt submergée par les paroles de l'étudiant. Le bowling c'est cool, mais bon, c'est vrai que ce serait pas mal de bouger un peu. Au moins pour décoller les autres amou- Tournant les yeux vers les quatre concerné, elle vit une de ses amies qui tenait déjà la main du garçon qu'elle convoitait. Et après c'était elle qui y allait trop vite ? Tsss... Une lueur de moquerie complice brilla dans ses yeux quand son regard croisa celui embarrassé de sa pote.

Mais déjà son esprit repassait au duo Hikari-Kobe, et la suggestion timide la demoiselle lui sembla être LA meilleure idée qu'ils pourraient avoir. Un karaoké c'était cool, pas très cher, et cela aurait l'avantage de faire interagir tout le monde en même temps ! Quand la blonde commença à vouloir se détacher d'eux, Aiko se leva vivement et posa ses mains sur ses épaules.

« Arrêtes un peu Hikari-san ! T'es pas si vieille que ça ! » fit-elle avec un sourire étincelant.

Se retournant, elle alla se concerter auprès de ses camarades de classe, et celles-ci hochèrent la tête, sans doute contentes à l'idée de pouvoir passer plus de temps avec leurs crush respectifs. Yuki suggéra d'ailleurs un établissement non loin, précisant qu'ils mettaient régulièrement leur catalogue à jour. Et quand elle disait non loin, c'était genre à deux minutes à pieds. Si c'était pas fantastique ! Sautant presque sur place, la fille aux yeux étoilés battit à nouveau des mains et, regardant Kobe, s'exclama :

« Ça te va, chef ? »

Glissant un regard amusé vers ses nouveaux amis, Aiko se sentit heureuse de les voir ainsi se taquiner. Le petit moment de flottement qui avait suivi le tour de "magie" de Kobe s'était enfin dissipé, et la petite blonde semblait enfin vraiment se détendre. Ses paroles d'ailleurs firent naître un immense sourire sur le visage joyeux de sa cadette, qui les suivait sagement sans dire un mot. Finalement, tout le monde semblait avoir trouvé sa place auprès d'une autre personne, sauf elle-même. Mais est-ce que c'était bien grave ? La solitude, l'adolescente la connaissait plutôt bien, mais ce n'était pas quelque chose qui l'effrayait vraiment. Au final, tant que les gens qu'elle appréciait étaient contents dans leur vie, elle se moquait un peu de la tournure de la sienne, parce qu'au final, que serait un monarque sans sujets ? Non, il valait mieux prévaloir à leur bonheur. Relevant ses yeux vairons, la jeune fille remarqua qu'elle était un peu à la traîne et se mit à sautiller vivement pour rejoindre le duo.

Quand elle arriva à leur niveau, Hikari était en train de relever le défi lancé par l'étudiant, ce qui arracha un pouffement de rire à la gamine. L'assurance de la jeune femme était telle que la rouquine se doutait bien qu'elle allait rétamer le pauvre garçon comme il se doit, mais eh ! Il pouvait pas être doué partout ! En tout cas, elle avait vraiment hâte de voir ça. Un peu moins de participer, parce que bon, elle avait une voix un peu trop aiguë apparemment quand elle poussait la chansonnette, du coup elle évitait pour pas percer les tympans de ses camarades. Après, elle pouvait toujours faire les chœurs, c'était cool aussi ! Frétillant d'impatience, c'est à peine si elle sentit son téléphone vibrer dans la poche de son short. Sortant l'appareil, son sourire se figea quand elle remarqua qu'elle avait reçu un message de son très cher frère...

Le nez toujours sur son écran, elle tapota vivement sa réponse, le cœur gros. Non, il pouvait pas faire ça... Urgence par-ci, urgence par-là, elle en avait ras-le-bol de devoir sans cesse suivre les ordres de son stupide aîné ! Toute tristoune, elle lança un regard peiné à Hikari et Kobe, et du coin de l’œil, ses amies de lycée semblèrent avoir compris la situation. C'était pas la première fois que le héros interrompait plus tôt les sorties de la demoiselle et, même si elles étaient désolées pour leur pote, il n'était pas question pour elles d'intervenir, après tout, Hideaki Imai était presque effrayant quand il se mettait en colère.

« Suis désolée, faut que je rentre.. »

Elle se mordit la lèvre inférieure, dépitée de ne pas pouvoir assister au duel qui allait opposer ses deux nouveaux potes. Aiki prit toutefois une profonde inspiration et, chassant toute tristesse de son visage, elle leur adressa un dernier grand sourire.

« Amusez-vous bien ! Et Hika ! Gagne pour moi ahah ! »

Dans un petit rire, elle ressortit joyeusement du karaoké, et elle se retrouva presque aussitôt nez à nez avec son grand frère. Pas besoin de checker son téléphoner pour comprendre qu'il l'avait une fois de plus géolocalisée... Lui lançant un regard noir, elle lui emboîta le pas, se gardant bien cependant de râler.