[Musique d'ambiance]:

Deux mois. Cela faisait maintenant deux mois qu’il n’avait plus de nouvelles de Ziendra. Mais en bon imbécile qu’il était, Jin avait voulu se tenir à sa promesse jusqu’au bout : ne pas aller vers elle et la laisser revenir. Seulement, au bout de mois, Jin avait besoin de sa réponse. Besoin de savoir quelle voie la dragonne voulait emprunter. Peu importe quel serait le résultat, bon ou mauvais, réjouissant ou dévastateur pour son coeur déjà meurtri. Il devait savoir. Pour enfin prendre sa décision et acter officiellement envers Shizen son désir de devenir son partenaire, il devait savoir ce qu’avait décidé Ziendra. Il avait donc décidé, au bout de deux longs, de briser sa promesse.

Il avait d’abord tenté de la contacter par téléphone. Appels, messages, rien n’y faisait, il n’obtenait jamais de réponse. Aussi il n’avait eu guère le choix : il devait retourner à l’appartement, seul lieu à sa connaissance où elle avait une quelconque attache. Cela dit, il n’avait que peu d’espoir d’y trouver la dragonne, mais c’était sa seule piste. Alors il s’y rendit, un soir. Passant par la porte dont il avait toujours la clef, il entra et découvrit alors un spectacle auquel il ne s’était pas attendu.

Sur les restes de la table basse se trouvaient quelques affaires à lui, soigneusement repliées, et … la bague. Jin observa la scène, immobile. Ainsi, sans même la retrouver, il pensait déjà avoir sa réponse. Mais il ne voulait pas tirer de conclusion hâtive. Il préférait l’entendre de la bouche même de Ziendra, de vive voix. Cela dit, ce qu’il avait sous les yeux ne laissait que peu de place au doute : elle avait choisit son chemin, et il n’en faisait plus partie.

Le loup sentait ses émotions remuer en lui, comme un tourbillon de sentiments douloureux. Une tornade de tristesse, une pointe de colère. Envers elle ? Envers lui ? Un peu des deux, mais c’était surtout envers lui-même qu’il était remonté. Plus il revoyait tout ce qu’ils avaient vécu, plus il s’en voulait. Il avait tout fait pour changer Ziendra, il avait voulu lui imposer sa vision du monde. Et si au fond, il avait fait pour elle, sans une once d’égoïsme, il se rendait compte aujourd’hui d’une chose : elle n’était pas faite pour suivre la même voie. Il avait voulu en faire ce qu’elle n’était pas.

Il repensa au passé de la dragonne qu’elle lui avait raconté, et il comprit : il n’aurait jamais pu la changer. S’il avait réussi à la tirer sur une autre voie, ça n’avait été que temporaire. Elle aurait fini, quoi qu’il arrive, par retomber dans ses tords, et ce malgré tous les efforts du jeune loup. Car Ziendra était une personne brisée depuis bien trop longtemps, raccrochée à une idéologie qui avait été pour elle comme un salut divin. Au final, s’il avait voulu la changer, il aurait dû la rencontrer plusieurs années plutôt.

Ainsi, se tenant immobile devant les restes de la vie qu’il avait rêvée, fantasmée en compagnie de celle qu’il aimait pourtant toujours, il sortit la photo qu’il avait toujours dans la poche intérieure de son manteau, la déposant avec le reste des affaires. Puis il se mit assis dans un coin de la pièce, plongé dans la pénombre, ne sachant plus trop quoi penser, se disant qu’il allait bêtement attendre là, dans l’espoir qu’elle revienne et qu’ils puissent tous les deux enfin se dire les choses, une fois pour toute, et aller de l’avant. Lui sur la voie du héros, elle sur celle qu’elle aurait choisie, et dont il se doutait déjà de la nature.

Ainsi, deux âmes se séparaient, prenant des routes trop opposées pour que leur amour y survive. Triste tragédie des sentiments, et dure réalité de ce monde cruel. Mais après tout, si Jin devait devenir un héros, il devait alors apprendre une leçon difficile : les autres passent avant lui. Et si cela signifiait qu’il devait abandonner ses sentiments, pourtant sincères, envers Ziendra, alors il n’avait pas le choix.

La vie de héros est faite de sacrifices.

La Dragonne devait refaire gonfler ses fonds financiers pour continuer d'étendre son travail et ses recherches. Etre solitaire ne lui permettait pas d'être entièrement libre du système monétaire : et ne voulant être une hors la loi, elle se pliait à la condition du travail.
Dans ce petit Konbini, d'autrefois, où elle fut accueilli de nouveau par la gentillesse et la rudesse de la vieille propriétaire.

Le plus dur n'était pas de ranger, nettoyer, mettre en rayon, porter les colis... Mais bien la relation clientèle. On voyait tous type de personnes : de petits anges à des démons qui s'impatientait. La population totalement hétérocliques dévoilaient le visage de la société que Ziendra combattait dans les ténèbres, pour protéger les innocents de ceux déjà corrompu jusqu'à la moëlle.
Mais, soupirant, au sein du Konbini elle était condamné à sourire et accepter tous. De temps en temps, un rappel à l'ordre bien posée, une menace dissimulé se faisait : mais pas assez énervé pour que le public s'en rendre compte.

Mais ne croyait pas qu'elle oublie les pires des visages détraqués qui passe de temps à autres. Tout est noté, pendant ses pauses, la moindre miette qui pourrait révéler le danger réel de ceux qui semble mentalement dérangé ou bien trop vide de vie pour que ce soit naturel.
De la méfiance à l'état pur, mais ainsi était la jeune femme.


Ce soir là, elle rentra chez elle, encore vêtu des vêtements du boulot. Fatiguée de sa longue journée et de ses efforts alors qu'elle ouvrait sa porte, la refermant doucement. Toutefois, ses yeux ambrées remarquèrent bien vite dans la pénombre la forme assise sur le lit.

Il était là.

Un soupir, alors qu'elle alluma la lumière et vint regarder un instant la photo avant de la redéposer en enlevant ensuite son manteau qu'elle accrochait.

"Ca fait longtemps que tu es là ?" Demanda t-elle, simplement.

Puis, se dirigeant vers la cuisine, elle se mit à préparer son café du soir : probablement comptait-elle à la base partir en exploration nocturne une fois de plus, comme elle aimait tant le faire. Mais manquant d'énergie, la Rouge était dépendante à sa caféine.
Ziendra en servit un aussi au Loup. Elle n'avait pas allumé de chauffage, il pouvait faire frais le soir. Ne lui souhaitant pas un rhume surtout avec sa fenêtre scotché qui ne retenait pas le souffle frais de la soirée, c'était le minimum qu'elle pouvait faire.

"Je pensais qu'après deux mois, tu m'aurais bien oublié, et que mes affaires t'importerai peu." Soupira-t-elle en prenant place. "Je ne pensais pas te revoir... Je ne pensais pas revenir, car je ne t'aurais pas aidé en revenant avec de mauvaises nouvelles." Elle ferma ses yeux. "Tu veux tes réponses, et elle ne sont pas bonnes. Rien de ce que tu aurais pu souhaité, mais où moi je m'y retrouve et suis enfin moi-même."

Ziendra tourna sa cuillère dans sa tasse en fixant la masse devant elle. Elle n'avait pas d'hostilité, encore de l'amour bien entendu, mais entendre une tel vérité n'était jamais simple. Frottant sa nuque, elle garder néanmoins son calme. En deux mois, elle avait changé. Plus posé, patiente, malgré sa méfiance toujours aussi présente.
Ses yeux, toujours quelques peu livide, ailleurs, pas là.

"On a pas la même vision du monde, ce qui nous rend incompatible. On se blessera mutuellement sans arrêt à tirer l'autre dans un univers qui n'est pas le siens. Pour toi, ta place aurait dû être avec les héros, comme un phare éclairant la nuit. Moi, j'veux pas être une lumière. Ca m'intéresse pas d'être limiter par les lois et une société ébranlée. Je fais un travail qui aide les héros et tous le monde, pour tous... Je récolte la haine, mais mon esprit est tranquille de savoir des êtres irrécupérables plus là. Je fais simplement ce que le pays ne peut plus faire à vouloir être trop bon. Une tâche pas sympa; mais c'est comme ça qu'on aidera aussi son prochain. Je ne suis pas l'ennemie des héros ou autre, juste des mauvaises personnes. Je ne taperai pas dans la justice, je la rends. Ces mains que tu as tenus, sont maintenant couverte de sang de saligaud et autres."

La jeune femme montra un instant ses mains propres pour souligner ce qu'elle disait. Puis repris son café, tristement. Il fallait qu'il comprenne que ce n'était pas possible : le chemin de Ziendra était tracé, celui de Jin était ailleurs, plus aux côtés des héros.

"Tu pourrais demander à Shizen de te prendre sous son aile, j'suis sûr qu'il y a des moyens pour que tu passes officiel." Lui sourit-elle. "En tout cas, c'est tout ce que je souhaite, atteindre ton rêve de gamin.".

[Musique d'ambiance]:

Il était déjà tard quand finalement la porte de l’appartement s’ouvrit pour laisser entrer la dragonne. Jin leva alors les yeux vers elle, un regard neutre. Il n’y avait plus aucun espoir dans son regard, plus aucune attente. Simplement de la lassitude, une envie d’en finir pour de bon, de passer à autre chose. Ziendra ne tarda pas à le remarquer et alluma vite la lumière, regardant un instant la photo sans plus de réaction apparente, avant de lui demander depuis combien de temps il attendait.

« Franchement, aucune idée. Des heures, peut-être … Peu importe, c’est pas la question. »

La dragonne continuait à vaquer à ses occupations, presque comme si le loup n’était pas là. Elle prit néanmoins la peine de lui servir un café, qu’il accepta plus par politesse que par réelle envie. Il l’écouta alors continuer de parler, et alors qu’elle commençait à lui parler d’un ton détaché de son absence de nouvelles ces deux derniers mois, Jin serra la main sur la tasse.

« Je sais pertinemment que je n’aurais pas les réponses que j’avais espérées. Je ne les espère d’ailleurs plus. J’avais bien compris ce que ces deux longs mois signifiaient, et j’essaie de me faire à l’idée. De tourner la page. En revanche, je pensais quand même que j’aurais mérité que tu me l’annonces en face. »

Jin marqua une pause, laissant la tasse de café à côté de lui et se relevant pour aller prêt de la table. Il prit alors la photo dans les mains et la contempla pendant que Ziendra ne faisait que confirmer ses doutes : elle avait franchi le cap, elle avait du sang sur les mains, des morts sur la conscience. Sa vision du monde était celle qu’il avait imaginé. Elle voyait les lois comme des entraves, n’envisageait que la mort comme seule solution pour les criminels … Rien de ce qu’elle ne pouvait dire ne surprenait Jin.

« Je vais pas faire dans le mélodrame, je me doutais bien de ce qu’il s’était passé. Toi, seule, lâchée dans la nature, forcément tu allais finir par sauter le pas. Et je ne t’en veux pas. Non, après tout, comme tu le dis, c’est ce que tu cherchais, c’est TA voie. Pas la mienne. » Jin marqua une pause, puis observa le paquet d’allumettes posé sur un meuble un peu plus loin. « Je te demande simplement pardon. Pardon d’avoir voulu te forcer à me suivre, à adopter ma voie. J’ai voulu te changer car je croyais que c’était ce dont tu avais besoin, mais au final, c’était seulement ce que moi je voulais. Alors je tenais à m’en excuser. Ce fut sans doute la seule erreur que j’aie jamais faite : croire que je pouvais te changer en ce que tu n’es pas. »

Jin avança alors vers le meuble, prenant la boîte d’allumettes dans les mains et l’observant tour à tour avec la photo. Il savait très bien ce qu’il lui restait à faire, mais avant cela, il voulait continuer de parler. Il avait besoin de vider son sac, de soulager son coeur brisé et meurtri par un fardeau bien trop lourd. Mais alors qu’il jonglait avec les allumettes, Ziendra reprit de plus belle, évoquant Shizen et son rêve d’enfant.

« Tu ne crois pas si bien dire. Pour dire vrai, dès demain je passe devant une commission pour suivre officiellement une formation et devenir un héros réserviste. Un side-kick, si tu préfères. Je serai le partenaire officiel de Shizen, mais je ne pourrais agir qu’avec son accord. Ce n’est peut-être pas exactement ce dont je rêvais étant gosse, mais c’est déjà ça. »

Jin sortit alors une allumette, tenant toujours la photo dans une de ses mains, mais ne la craqua pas tout de suite. Il regarda alors la dragonne, prenant le temps de mieux l’observer. Elle avait effectivement beaucoup changé. Ses cornes n’était plus visibles, sans doute les avait-elle brisées et poncé, comme pour marquer un nouveau départ. Ses cheveux étaient aussi beaucoup plus courts et coupés un peu négligemment, et son regard n’avait plus rien de celui qu’il avait connu. Autrefois elle avait un regard dur et déterminé, dans lequel se lisait sa passion et sa foi en son combat, alors qu’aujourd’hui il semblait plus froid, livide, mais aussi plus calme et réfléchit.

« Je ne me fais pas d’illusions sur la suite des évènements. J’ai déjà été remarqué quelques fois par les autorités, j’ai donc un signalement et sans doute un dossier à mon nom dans les bases de données. Ce qui veut dire que demain, ils vont tout faire remonter et vont me poser des questions là dessus, et je doute qu’ils effacent mon ardoise simplement en le leur demandant. Je vais sans doute devoir faire de la prison, pour assumer les conséquences de mes actes, leur prouver que je veux changer, ou je ne sais quoi. Mais c’est pas grave, quoi qu’il arrive, je l’accepterai. En revanche ... »

Jin craqua alors l’allumette et mit le feu à la photo avant de la laisser tomber au sol.

« En revanche … dès demain, nous ne pourrons effectivement plus être des alliés. Ne te méprends pas, je t’aime toujours Ziendra. Et je pense qu’au fond de moi, je continuerai de t’aimer, car malgré ta vision du monde, ce n’est pas de la justicière dont je suis tombé amoureux, mais de toi. Seulement, tu l’as bien dit : si on reste ensemble, on ne fera que s’attirer des ennuis et se faire du mal. Alors autant tourner la page, et brûler tout ce qui me rattache à ce chapitre de ma vie qui prend fin maintenant. »

Jin regarda alors le petit tas de cendres au sol : la photo n’était plus. Leur vie commune, leurs bons moments partagés ensemble, leurs promesses, leur bonheur … tout ça n’était plus que des souvenirs. Souvenirs qu’il garderait au fond de lui, mais dont il refusait d’être prisonnier. Il regardait alors la dragonne, souriant doucement, même si son visage trahissait sa profonde tristesse. Bien qu’il savait que c’était la bonne chose à faire, cela n’enlevait rien à la peine qu’il s’infligeait. Devoir ainsi tourner la page et clore ainsi un chapitre aussi important de sa vie était beaucoup plus douloureux que tout ce qu’il avait pu imaginer.

Musique d'ambiance:

Les yeux ambrées de la Dragonne ne pouvait ignorer le visage détruit, triste du loup qui répondait à tout cela en déambulant dans l'appartement. Il semblait avoir trouver sa voix, savoir où il allait grâce à l'offre de Shizen, et c'était tant mieux qu'il ne se renferme pas sur le passé.
La Rouge ne dit rien pour le moment, fixant chacun de ces gestes, jusqu'à qu'il brûle la photo et observe ses cendres au sols.

Il semblait d'accord avec elle, au moins... Mais, quelque chose résonna dans l'être en ruine de Ziendra, laissant couler une paire de larmes malgré le sourire compréhensif.
Des larmes qu'elle vint sécher rapidement, ne voulant pas s'attacher à ce dur sentiment. Si elle le prenait froidement, et de distance, ce n'était pas pour se laisser submergé par la tristesse et le manque d'amour. Cet amour brûlant toujours présent auquel elle savait très bien qu'elle devait renoncer : même simplement pour le bien de Jin.

"Ce n'est pas la solution qu'on aurait pu souhaiter : mais aucun futur n'est promis à un futur héros avec une criminelle. Aucune famille, aucune vie, aucun bonheur que du mensonge et de la fuite. Je ne peux pas t'offrir ce bonheur que tu as besoin. Cela n'est en rien ta faute, je la pose sur le fondement de notre pays."

Si ce pays n'avait pas été aussi pourris, aussi... Ce qu'il est : peut-être aurait-elle pu envisager une vie paisible sans remords. Mais ce n'était pas le cas : quelqu'un devait agir, et ce petit groupe de Vengeurs agiraient, elle aussi.
Ce n'était pas la joie sur son visage, plus le fait qu'elle avait accepté cette réalité plus longtemps que Jin, peut-être bien avant de partir.

"Je t'ai suivis, car je pensais que je pouvais m'améliorer. Ne t'excuse pas d'avoir essayer, en tant qu'héros tenter de sauver l'âme de quelqu'un c'est aussi ton travail. La mienne ne pouvait pas être sauver, car elle était déjà parti trop loin. Je ne peux être sauver de mon propre sacrifice de vie. Etre loin de toi de te donnera la chance de progresser, et d'avancer. Tu trouveras tous ce qu'il te faut sur la voie de lumière où tu es, malgré les épreuves qui t'attendent. Je crois en toi."

La jeune femme déposa sa tasse vide dans l'évier avant de se passer de l'eau sur le visage pour garder son calme, même sa queue ne pouvait plus trahir ses sentiments : probablement de longues heures d'entraînements.
Ziendra n'avait pas envie d'une séparation net, ni même l'envie de la solitude qui allait avec. Mais ce serait égoïste de vouloir quelques choses d'un être qui se libère de ses chaînes. Elle ne doit pas faire ses erreurs, le forcer en rien.

A Chacun sa vie.

Toujours dos au loup pour le moment, elle repris.

"Nos prochaines retrouvailles, tu devras probablement m'arrêter : mais jamais je m'en prendrai à toi ou Shizen. Je me défendrai, certes, mais pas plus que nécessaire. Vous êtes loin de mériter la mort, loin, très loin de ça." Soupira t-elle.

Puis la Rouge se tourna et vint se planter juste en face de Jin, le fixant droit dans les yeux en silence pour le moment, avant de venir frotter son visage, avec de nouvelles larmes.
Comme toujours, Ziendra jouer la dur, mais ce n'était facile ni pour elle ni pour Jin. Mais ainsi était la vie, ainsi les chemins devait se séparer.

"Tu seras un grand héros, avec Shizen. Je crois en vous."

Puis elle l'embrassa. Probablement pour la dernière fois et purement égoistement... Mais scellant se contrat oral d'un dernier geste aimant, doux, larmoyant, difficile.

Son coeur allait explosé.[/center]

[Musique d'ambiance]:

Elle était dos à lui, se passant de l’eau sur le visage. Au final, ce qu’il avait autant espéré que redouté se produisait : elle l’aimait encore, lui aussi. Seulement, de par sa nature, elle semblait refuser de le montrer. Il pensa au fond de lui simplement « Pourquoi ? » Pourquoi s’entêtait-elle à ainsi refouler ses sentiments ? Mais la réponse, il la connaissait déjà.

« Ziendra, ne rejette pas toujours la faute sur le monde qui nous entoure … Je sais quelle est ta vision de celui-ci, et je sais que je ne t’en ferai jamais changer. Mais crois-moi, il n’est pas aussi mauvais que tu ne le crois … Shizen en est la preuve. Un jour, peut-être j’en serai la preuve aussi. »

Entendre alors que Ziendra l’avait suivi de son plein gré ne fit qu’alourdir son coeur. Il aurait tant préféré qu’elle lui confirme ce qu’il lui avait dit. Qu’elle confirme qu’il n’avait agit que par égoïsme, mais non. Elle avait voulu changer, elle avait voulu lui offrir ce dont ils rêvaient tous les deux. Et cela ne faisait qu’ajouter à sa peine. Mais au moins elle était honnête. Ils l’étaient tous les deux, et c’était peut-être mieux ainsi. Alors qu’elle ne faisait que confirmer ce qu’il lui aurait dit de lui-même, la dragonne vint se planter devant lui, ne pouvant plus retenir ses larmes, et lui caressa la joue, ajoutant qu’elle avait foi en lui et Shizen, qu’il deviendrait un grand héros … puis elle l’embrassa.

Ne pouvant plus retenir son coeur, qui prit le pas sur sa raison, Jin l’enlaça, répondant à son baiser. Une ultime preuve d’amour, une ultime étreinte … Une dernière nuit pour les deux amants avant qu’ils ne se disent à jamais au revoir. Observant alors les yeux de la dragonne, Jin prit son visage dans ses mains et l’embrassa à nouveau. Sa raison lui disait de partir, de laisser les clefs sur la table, mais son coeur lui hurlait de profiter de cette dernière nuit avec celle qu’il aimait afin de lui déclarer tout son amour. Une ultime déclaration avant de clore cette histoire.

« Je t’aimerais toujours Ziendra. Toujours. »

Il la serra contre lui, n’arrivant simplement pas à se détacher d’elle. C’était trop pénible, trop difficile. Il savait qu’en agissant ainsi, il ne faisait qu’ajouter à leur peine, à tous les deux. Mais il lui était tout simplement impossible de partir de la sorte, sans lui montrer une dernière fois qu’il l’aimait de plus profond de son coeur. Et, du plus profond de son âme, il restait cette faible lueur : celle de la braise d’un espoir mourant. L’espoir qu’elle finirait par lui dire qu’elle le suivrait. Mais cet espoir était fou. Il le savait bien. Peu importe ce qui allait se passer, cette nuit verrait cette braise disparaître. Aux premières lueurs du jour, il ne serait plus. Au premières lueurs du jour, The Wolf serait mort.

Musique d'ambiance:

Le temps défilait autrement dans ces étreintes et ces baisers qu'on s'y perdait. On y perdait une partie de son âme qu'on avait abandonné. Une lueur légère, qui se réveille malgré elle, cette espoir purement impossible.
Mais pour une dernière fois... Une dernière nuit... Tout oublier.

N'être que tous les deux, comme le monde entier l'interdit de par leurs convictions. Une dernière fois. Une ultime fois avant une séparation qui entraînera combat quotidien entre les deux futurs ennemis naturels, malgré un amour mutuel.

Il lui dit ces trois mots, qu'elle répéta bien malgré elle dans un visage torturé de larmes et de colère à la fois. Et tout repris, comme une danse contre la fatalité dans leurs vies. Une danse où tout explosait, pour une dernière fois...

Malheureusement...

Ziendra repris trop vite ses esprits, et finit par repousser avec douceur le loup, ne voulant pas s'infliger de blessure mental en plus... Fort probablement.
La jeune femme serrait ses petits poings sur le torse de son ancien amant, les yeux clos, avant de venir les essuyer d'un revers de la main, et de reprendre une distance entre lui et elle.

"Ce n'est pas une bonne idée, d'aller plus loin... On va se faire mal, plus qu'autre chose. C'est déjà assez douloureux, on a pas besoin de se torturer comme ça." Soupira t-elle.

S'approchant de la table au final, retirant la bague du haut pour le plier soigneusement et le déposer du côté de Jin, elle fixait cette dernière attache dans le creux de sa légère main. Qu'en faire, la détruire était trop difficile, elle ne pouvait la jeter non plus, ni la redonnait.
En silence, elle s'arrêta à la cuisine, un couteau en l'air.... Avant de frapper à toute force dessus... pour y décrocher le diamant. Ce n'était plus qu'une simple bague en argent.

Le diamant, elle le remit à Jin.

"Je n'en ai pas besoin, je ne le mérite pas. Mais je ne veux pas tout oublier, alors je garde la seconde partie. Pars avec ça, ça t'aidera pour tes débuts de carrières qui te seront difficiles. Tu dois accepter,d 'accord ?"

De son autre main, elle serrait le reste de l'anneau en argent pur, ne sachant guère où allait pouvoir le ranger, mais il était là, dans sa main, toujours.
On ne change pas ses sentiments du jour au lendemain, d'un claquement de doigt. Tous deux le savaient que trop bien.

Ses yeux ambrées fixaient Jin reprendre alors ses affaires, le regard lourd mais ambitionné. Elle, elle avait la mâchoire serré pour retenir n'importe quel phrase qui voulait sortir.
C'était l'heure d'une nouvelle ère pour eux deux, peut-être deviendront-ils l'égirie de leurs idées, devenant à tout jamais des opposés.

Sa queue balayait le sol sans conviction alors qu'elle le regardait. Ziendra avait dû mal, à se retenir de la sorte... Mais elle n'était pas bête, et consciente de la blessure que cela pourrait mettre, même si cela... Ferait du bien malgré tout.
C'était compliqué.

[Musique d'ambiance]:

Pendant quelques instants, il avait tout oublié. Le monde avait cessé d’exister. Comme cette fameuse nuit, après l’incident dans la zone industrielle, où ils avaient partagé un moment d’amour pur, sincère. Juste eux deux et personne pour les interrompre. Il se revoyait à cet instant, comme suspendu dans le temps. Mais il savait bien que cette fois-ci, les choses ne se dérouleraient pas de la même façon. Il savait qu’ils ne pouvaient pas se le permettre, même une dernière fois. Bien qu’ils en avaient envie tous les deux, ils ne devaient pas. Et Ziendra ne s’y trompa pas, mettant fin à leur embrassade en repoussant doucement Jin, avança qu’ils ne feraient que se faire davantage souffrir mutuellement.

Elle avait raison, il le savait. Les deux le savaient. Jin la regarda alors retirer le diamant de la bague et le lui déposer au creux de la main, lui demandant de le garder et d’en faire exactement ce que lui-même lui avait conseillé, ajoutant qu’elle garderait l’autre partie de la bague en souvenir. Pour ne pas oublier. Il fixa le diamant, les larmes perlant sur ses joues, avant de rassembler le peu d’affaires qu’il avait encore en ces lieux. Ramassant le t-shirt, rangeant le tout dans son petit sac à dos, il marcha lentement vers la porte, se préparant à laisser toute une vie derrière lui à jamais … et se stoppa. Le sac tomba au sol, dans un léger bruit sourd, et il fit demi-tour, fonçant vers Ziendra, l’enlaçant et l’embrassant.

« Je peux pas … Je peux tout simplement pas te dire adieu. C’est au dessus de mes forces, Ziendra. »

Il serrait alors la dragonne contre lui, ses mains se baladant le long de son dos, retenant à peine ses sanglots. Le coeur a ses raison, que la raison ignore. Et Jin ignorait sa propre raison. Son coeur ne pouvait s’empêcher de prendre le dessus, de parler, de lui faire exprimer tout ce qu’il avait enfoui en lui. Il n’y arriverait sans doute pas. Poursuivre la voie du héros et abandonner sa vie auprès de Ziendra était impossible. Et pourtant il devait faire ce choix. Un choix sans retour possible. Un choix qu’il ne sentait pas prêt à faire.

« Je ne peux pas me résoudre à te laisser derrière moi … C’est impossible. Je … je ne suis pas complet sans toi, il me manque une partie de moi-même ! »

Jin défit alors l’étreinte, reculant de quelques pas, se rendant compte de la douleur qu’il s’infligeait mais qu’il faisait également subir à sa bien aimée. Il tituba alors, pris de vertiges à cause du flot d’émotions qui le parcourait, et s’appuya d’une main contre le mur, la seconde venant couvrir son visage tandis que les larmes s’écoulaient en cascades de ses paupières et qu’il peinait à retenir ses sanglots.

Il se haïssait en ce moment même. Il se détestait d’être ainsi animé par ce sentiment de justice, d’avoir en lui l’envie de devenir meilleur, de rejoindre enfin les rangs de ces héros qu’il a toujours admiré. Si seulement il pouvait envoyer tout ça balader d’un revers de la main. Ses cas de conscience, sa morale, et plonger une fois pour toute ses mains dans la crasse. Devenir, comme Ziendra, celui qui n’avait pas peur de faire le sale boulot, là où les héros étaient entravés par la loi. Il aurait tant voulu en être capable, mais il n’y arrivait pas. Pourtant, il pourrait le faire. Il avait déjà tué. Mais la culpabilité qu’il avait alors ressenti était encore trop présente. Non pas d’avoir tué deux hommes, mais d’avoir succombé aussi facilement à sa rage bestiale. Il n’avait pas vraiment peur de se salir les mains, il avait peur de ce qui pouvait arriver s’il s’y abandonnait totalement.

Alors qu’il était pris dans ses tourments, ses jambes lâchèrent, le faisant s’écrouler à genoux et s’adossant au mur, toujours le visage caché dans sa main. Il essayait de se relever, de partir, il ne voulait pas la faire souffrir, mais il ne pouvait pas. Son coeur était trop lourd. Sa peine le clouait au sol.

Musique d'ambiance:

Le loup avait tout lâché avant le départ, la reprenant contre lui, l'embrassant, énumérant son amour et l'impossibilité de vivre sans elle.
La prise de conscience de celui-ci, qui reculait ensuite, au mur en s'effondrant dans des larmes et probablement une torture mentale.

Pour Ziendra, il n'était fautif de rien : il était sur la bonne ligne droite, sa destinée. C'était elle qui avait tout fait capoté avec son impossibilité de se mettre d'accord avec sa société d'aujourd'hui. C'est elle qui était parti, et qui n'avait pas de remords à se salir les mains pour le pays.
C'est elle qui avait aussi choisit d'essayer de ne pas être ce qu'elle était juste pour lui, ce qui lui avait coûter physiquement et mentalement trop cher : et donner tant d'espoir à ce pauvre loup.

S'approchant de lui, et venant s'agenouiller en face, elle le prit avec tendresse dans ses petits bras, avec un long soupir triste. La Dragonne frottait doucement ses cheveux, son dos, lui expliquant comment calmer sa crise d'angoisse : Inspirer, expirer, inspirer, expirer...

"Ce n'est pas car nos chemins se sépare, que nous serons à jamais disparu. Sache que si tu es en danger, je serai toujours là pour frapper à ta place. Comme je sais que tu viendras me sauver, si je suis dans la merde. Notre lien est certes unique... Mais il est impossible dans la société actuel."

La jeune femme relâcha le coup du loup, et retira doucement ses mains en les serrant dans les siennes.

"Ne doute pas de l'amour que je te porte. Tu as été mon premier amour, je ne pourrai jamais oublier tout ça. Mais soit réaliste, Jin !" Pleura t-elle. "Ton avenir et le mieux ne fonctionne pas, on ne se fera que du mal, on échouera à cause de l'autre ! Ce n'est pas ce que l'on souhaite, et on pourra jamais se poser... On deviendrait tous deux fous !"

Posant une des grandes mains de Jin sur sa joue, elle ferma ses yeux pour respirer aussi, dans la douleur. Ce n'était facile pour personne. Ziendra avait juste un meilleur contrôle aujourd'hui de ses émotions profondes. Probablement appris avec ce qu'elle faisait dans les nuits sombres.
Son esprit était sous-contrôle, sa raison la remporter toujours sur le coeur malgré les tentatives de celui-ci de sortir de sa cage. Elle se refusait plus de mal, pour aucun des deux, plus de tortures morales. Il fallait s'arrêter.

"Qu'importe la grandeur de notre amour, ça ne peut juste pas marcher. Crois pas que c'est simple pour moi : apprendre à dormir seule, n'avoir personne à qui parler ou partager des moments, un soutien, une épaule, des rires... La solitude n'a rien de parfaitement enchanteur... Mais pour suivre nos rêves communs, réussir, et se libérer comme d'oiseau en cage... C'est notre seule solution. Ainsi est parfois la cruauté de la vie."

La Rouge vint l'embrasser encore une fois, ne pouvant juste pas indéfiniment se retenir face à ce loup meurtri à cause d'elle et de ses choixs. De leurs vies. De leurs futurs incompatibles...

"N'abandonne pas ton chemin. Tu peux le faire. Avance, et devient le meilleur, la lumière qui sauvera les innocents des tourments, un loup protecteur, fort et souriant qui n'abandonnera jamais. Tu dois le faire. Tu dois réussir. C'est ta voie, ta vie ! La tienne et rien qu'à toi !"

[Musique d'ambiance]:

Malgré les tentatives de Ziendra de le calmer, de le rassurer, rien n’y faisait. Le pauvre loup était inconsolable. Qui savait combien de temps il lui faudrait pour se remettre de ces adieux dont il n’avait jamais voulu ? Y parviendrait-il seulement un jour ? Pourrait-il mettre son amour en retrait afin de devenir le héros que tous, même Ziendra, voyaient en lui. Si quelque part, savoir qu’elle sera toujours là pour en cas de besoin lui réchauffait un peu le coeur, il ne pouvait s’empêcher de penser à ce qu’il laissait derrière lui.

Elle aussi pleurait. Elle aussi souffrait. Elle se sentait coupable. Peut-être était-ce le cas ? Peut-être était-ce vraiment de sa faute à elle ? Jin s’en fichait. Non, ce n’était pas de sa faute. Pas uniquement, du moins. Oui, elle ne pouvait pas s’adapter à ce monde chaotique, bancal, qu’elle ne pouvait voir autrement que comme corrompu, mais de l’autre, ce même monde lui avait tant pris. Et Jin … Jin n’avait pas pu la sauver. Et ça, même si la dragonne lui affirmait que c’était peine perdue avant même qu’ils ne se rencontrent, il ne pouvait pas l’encaisser. Lui qui voulait devenir un héros, quelqu’un qui sauvait les gens, il n’avait pas pu sauver la personne la plus importante à ses yeux.

Alors que la dragonne faisait preuve d’une retenue qu’il ne lui avait jamais connu, il l’écoutait parler. Bien qu’il eut l’air absent, comme si son âme n’était plus en lui, il écoutait attentivement. Elle ne cessait de répéter la même chose. Il savait bien qu’ils prenaient des voies trop différentes pour rester ensemble. Il savait aussi qu’ils se devaient tous les deux de mettre leur rêve, leur idéal au dessus de leurs intérêts personnels.

Alors qu’elle vint l’embrasser une nouvelle, elle renchérit en le poussant à continuer sur la voie qu’il avait trouvé. Elle l’enjoignit à devenir un héros, une lumière, le loup bienveillant qui veillait sur le monde. Devenir, à sa modeste échelle, un symbole de la paix ? En était-il capable ? C’était son rêve depuis toujours, mais maintenant qu’il savait ce que cela impliquerait, allait-il avoir la force de le poursuivre jusqu’au bout ? Malgré ses promesses, il en doutait. Et tous les mots de Ziendra, bien qu’emplis de vérité et de raison, ne parvenaient pas à faire changer d’avis le jeune loup.

Il voulait insister, tenter par tous les moyens de la retenir, de lui faire changer d’avis. Mais si jusque là son coeur avait prit le dessus, voir sa bien aimée les larmes aux yeux et peiner à retenir ses émotions lui fit prendre conscience qu’il devait se ressaisir. Elle faisait tant d’efforts pour ne pas craquer, là où lui avait succombé dès le premier obstacle. Séchant alors ses larmes d’un revers de la manche, il posa sa main sur la joue de Ziendra pour essuyer les larmes de la Rouge, lui adressant un sourire sincère.

Un sourire certes encore teinté de tristesse et de douleur, mais aussi de gratitude, d’espoir et de reconnaissance.

« Ziendra. Promets moi juste une chose. Si un jour tu as besoin d’aide, préviens moi. Et si je ne suis pas là, préviens Shizen. Mais ne te mets pas en danger inutilement. »

Jin marqua une pause, puis se redressa en prenant la main de la dragonne pour l’aider à faire de même. Puis il avança lentement vers la porte d’entrée. Prenant son sac qui était au sol, il laissa alors tomber son jeu de clef dans un petit ravier sur un meuble à côté de la porte, qu’il ouvrit alors. Il fit un pas en dehors de la pièce avant de se stopper et de se retourner vers elle une dernière fois, lui adressant un sourire doux et tendre.

« Au fait, les cheveux courts, ça te va plutôt bien. »

Puis il partit, sans un mot de plus. Malgré la douleur qui alourdissait chacun de ses pas, malgré son coeur qui lui hurlait de retourner vers elle, de rester à ses côtés, il avança. Les larmes coulaient à flots, mais cette fois, pas le moindre sanglot. Il se devait, tout comme elle, d’être fort. Garder sa douleur en lui. Conserver cet amour. En faire sa force, comme Shizen le lui avait dit. Leur chemins se séparaient, mais leur histoire ne s’arrêtaient pas pour autant ici.


Et ainsi, par une nuit sans lune et sous une pluie battante à laquelle venaient se mêler les larmes du futur héros, The Wolf disparaissait. Dans la douleur et la peine, un chapitre de sa vie prenait fin.

La vie d’un héros est… et sera toujours faite de sacrifices.