En me levant ce matin, j’avais déjà pas mal la boule au ventre en sachant que c’était le jour des exercices pratiques. Ce qui signifiait donc deux choses qui me mettaient mal à l’aise : utiliser mon alter dans le but de sauver des gens ou combattre des vilains, même s’il s’agissait d’un exercice cadré, et faire équipe avec quelqu’un d’autre. Et ça, on ne pouvait pas dire que c’était mon point fort. Non pas que j’étais particulièrement asocial, mais vu la nature de mon alter, qui me permettait simplement de voler et m’empêchait de subir toute forme de friction à grande vitesse, il n’était pas non plus des plus utiles … Je pris donc ma douche, mon petit déjeuner puis mon bus direction U.A.

De toute façon, je n’y couperais pas à cet exercice, à moins de tomber malade à la dernière minute. Et c’était vraiment pas mon genre de faire semblant d’être malade au dernier moment pour sécher les cours. Déjà parce que sans être un bourreau de travail, j’étais quand même un minimum sérieux. Et aussi parce que ça serait pas franchement crédible d’attendre la toute dernière minute pour prévenir. Bref, pas le choix, au front mon p’tit Kenzo. Une fois les cours en classe finis, je rangeai mes affaires et partis avec le reste de la classe en direction du gymnase pour enfiler ma tenue de héros et attendre le début de l’exercice.

Ma tenue n’était pas non plus incroyable. Une simple combinaison intégrale suffisamment épaisse pour me protéger d’attaques légères au corps à corps, et des lunettes visières translucides sur lesquelles je pouvais afficher diverses informations, principalement des coordonnées pour me repérer plus facilement quand j’étais en vol et ainsi me rendre plus rapidement sur les lieux d’un crime. Bref, des lunettes GPS quoi. Rien de franchement incroyable. Le seul aspect peut-être un peu fantaisiste de ma tenue était que j’avais demandé qu’elle ait une apparence de carapace cuivrée, donnant ainsi l’impression que j’étais couvert d’une épaisse carapace de métal, alors qu’il ne s’agissait que d’une épaisse couche de caoutchouc et de latex, tout ce qu’il y avait de plus basique.

Je me rendis donc sur les lieux de l’exercice, dans la reconstitution d’une zone industrielle. Génial, le pire des terrains pour moi. Tout ce que je pouvais faire efficacement avec mon alter, c’était de survoler les lieux et faire du repérage. Mais dans une zone industrielle comme celle de U.A, mon champ de vision était juste inexistant. Il était beaucoup trop simple de se cacher parmi le dédale de bâtiments et de tuyauterie qui composait cette zone d’entraînement, ce qui avait pour conséquence plutôt fâcheuse de me priver de la seule réelle utilité que j’avais trouvé à mon alter. Ou du moins, la seule utilisation que je maîtrisais sans problème : voler dans les airs et observer ce qui se trouvait en dessous, ce n’était pas non plus une tâche trop ardue.

Une fois en tenue, je rejoignis donc le reste de la classe, et lorsque le professeur nous ordonna de former les binômes, ce fut Hanami qui vint se planter devant moi. Merveilleux. Non pas que j’étais du genre à me faire des ennemis et à détester foncièrement quelqu’un, mais je connaissais son caractère à celle-là. Elle était du genre caractérielle, avec la répartie bien cinglante, toujours prête à vous décocher une pique verbale bien sentie, voire une droite en pleine poire si vous la cherchiez. Bref, elle était plutôt du genre assez grande gueule, à pas se laisser marcher sur les pieds et à vous gueuler dessus pour avoir ce qu’elle voulait. Tout mon opposé, donc. Je soupirais avec lassitude, me doutant qu’on nous avait volontairement collé ensemble pour cet exercice afin de nous forcer à collaborer malgré nos différences de caractères et nos éventuels griefs personnels. Pour nous apprendre à faire passer notre devoir de héros avant nos intérêts personnels, tout ça … Râler, se plaindre, à quoi bon ? Ce n’était pas comme si ça allait changer quoi que ce soit.

La fille aux cheveux roses était debout, face à moi, son regard planté dans le mien, ce qui me mettait plutôt mal à l’aise, d’autant plus qu’elle ne disait pas un seul mot. Ce silence de marbre était plutôt intimidant, il fallait l’admettre. Mais avant que je ne trouve le courage de briser le silence, notre professeur prit la parole.

« Bien, vous allez vous affrontez tour à tour. Un binôme jouera le rôle de vilains, l’autre de héros. Les vilains devront protéger une zone bien précise tandis que les héros devront les en débusquer et les neutraliser. Cependant, il faudra limiter les dégâts collatéraux au maximum, aussi bien au niveau humain que matériel. Nous avons disposé des mannequins dans l’immeuble défendu par le binôme de vilains afin de simuler des otages. Les héros devront donc neutraliser les vilains en tenant compte de leur présence, et adapter leur approche pour minimiser les dégâts en tout genre. À l’inverse, plus il y aura de dégâts collatéraux, plus le binôme de vilains gagnera de points. Cela dit, causer de la destruction gratuite juste pour faire perdre vos adversaire ne vous rapportera pas de points. Gardez à l’esprit que votre objectif est avant tout d’entraver vos opposants et de garder le contrôle de votre repaire. C’est bien compris ? Alors en piste, chaque binôme a reçu un numéro, le tirage s’affichera sur l’écran. Vous aurez donc votre rôle et votre adversaire. Au boulot. »

Super. Je soupirai encore, imaginant déjà le fiasco qui allait se produire, puis me tournai vers Hanami.

« Bon … Qu’on soit vilains ou héros, va falloir qu’on établisse une stratégie pour combiner nos alters de la meilleure des manières. Si je me souviens bien, tu manipules l’air, c’est bien ça ? Moi je peux voler dans les airs … Tu as des idées sur la façon dont on pourrait combiner nos capacités ? »

Pour être franc, je croisais les doigts pour qu’elle soit plus inventive que moi, car de mon côté, c’était le désert : pas la moindre idée de comment combiner nos deux pouvoirs de manière à prendre l’ascendant sur nos adversaires, quelque soit le rôle qu’on nous attribuerait.

Quand l’écran afficha que notre binôme allait jouer le rôle des vilains, je ne pus retenir un soupire agacé. Je détestais jouer les vilains. C’était tellement contre ma nature même d’être le méchant, d’endosser le rôle de celui qui prenait en otage des innocents et qui mettait des bâtons dans les roues aux héros. C’était justement le genre de type que je voulais empêcher de nuire, alors devoir jouer leur rôle, ça me hérissait un peu le poil. Mais bon, je pouvais toujours imaginer l’exercice à l’envers : nous étions les héros, et nous avions deux civils avec nous. Deux cibles prioritaires qu’un duo de vilains voulait capturer, et nous avions alors été forcé de nous retrancher dans un bâtiment en attendant les renforts. Ouais, on allait essayer de voir les choses sous cet angle, ça m’aiderait sûrement à être plus efficace.

Enfin, aussi efficace qu’un type qui vole dans un bâtiment bien exigu. Le terrain était vraiment le pire de tous par rapport à mon alter. Aussi, j’allais devoir énormément compter sur celui d’Hanami, ainsi que sur la topographie des lieux. L’avantage, c’est qu’on avait pas mal de temps pour prendre connaissance de l’endroit avant le début de l’exercice, ce qui pouvait nous donner un coup d’avance sur nos adversaires. Hanami ne s’y trompa d’ailleurs pas du tout, puisqu’elle commença à fouiller et inspecter l’endroit sous toutes ses coutures. L’étage où nous nous trouvions possédait une grand salle avec une baie vitrée, ainsi que quelques autres pièces comportant quasiment toutes au moins une fenêtre. En revanche, la présence de meubles pouvait s’avérer utile. Je remarquai néanmoins une pièce très isolée, n’ayant qu’une porte que l’on pouvait verrouiller avec un gros cadenas, et dont la seule fenêtre était une minuscule plaque de verre, dépassant à peine la surface d’une feuille de papier. Idéal donc pour y cacher nos otages … Enfin nos civils prioritaires. Il suffisait de les y enfermer et de toujours avoir un œil sur la pièce, tout en faisant croire qu’ils étaient ailleurs.

Hanami proposa d’ailleurs une idée similaire. Elle allait servir d’appât, pour attirer l’attention de nos adversaires dans une pièce loin des mannequins où je n’aurais alors plus qu’à les prendre à revers. Un plan simple, qui misait beaucoup sur la réaction des deux autres qu’il était impossible de prévoir avec certitude, mais qui avait le mérite d’être un plan, au moins. N’en ayant pas de mieux sous la main, je me contentai d’acquiescer.

« Je maîtrise pas d’art martial particulier, mais je suis quand même capable de décocher une droite à quelqu’un s’il le faut. T’en fais pas, je vais pas te laisser tomber. On est à deux dans cette galère, après tout … »

Ouais, enfin même si nous étions deux, j’étais visiblement le seul à être vraiment mal à l’aise par rapport à la situation. Je pris néanmoins la peine de signaler l’espèce de débarras que j’avais repéré à Hanami, lui expliquant qu’on pourrait facilement y cacher nos cibles et ainsi surveiller plus efficacement leur emplacement pour empêcher les autres de s’en emparer. Le plan semblait alors prêt, il n’y avait donc plus qu’à se mettre en place … et ensuite, l’exercice allait finalement pouvoir débuter.

Hanami avait prit les devants, traînant négligemment l’un des deux mannequins avant de le jeter violemment dans le petit débarras que j’avais repéré, avec toute la désinvolture qu’une vilaine. Elle jouait très bien son rôle en tout cas … Enfin, jouait-elle vraiment ? Où bien était-ce là l’expression de son sale caractère qui faisait sa réputation au sein des deuxième années et qui la précédait souvent ? Peu importe, ce n’était pas le moment de me concentrer là dessus, j’avais un rôle à jouer aussi, de mon côté. Même si je n’aimais pas du tout cette idée, ma façon de voir le problème à l’envers était complètement stupide, il fallait que je me fasse à l’idée. Aujourd’hui, c’était moi le méchant. Alors j’allais devoir jouer le méchant. Penser comme un méchant, agir comme un méchant. Me mettre dans leur peau, dans leur tête. Je me disais que cela pourrait s’avérer utile plus tard, être un avantage pour retrouver un vilain que de savoir penser comme lui afin d’anticiper ses actions. Cet exercice allait donc me servir d’autant plus.

Hanami sortit alors de la petite remise pour se rendre dans un autre débarras, un peu plus grand, et attendit, assise contre le mur. Je restai pour ma part caché, prêt à les prendre à revers comme l’avait pensé Hanami. Heureusement qu’elle était parvenue à imaginer un plan, car je ne m’en serais jamais sorti par moi-même. Quel héros pitoyable … Mais alors que je me lamentais sur mes propres lacunes, des bruits de pas résonnèrent dans la cage d’escalier et des voix se firent entendre. Nos adversaires étaient là, ils arrivaient. Hanami ne perdit pas de temps pour claquer violemment une porte et m’adresser des paroles comme si je me trouvais à ses côtés, prenant bien soin de parler suffisamment fort pour les attirer vers elle. Je les vis alors traverser tous les deux le couloir par l’entrebâillement de la porte de ma cachette. C’était le moment. J’attendais encore un peu, afin d’être sûr qu’ils soient avec Hanami dans le débarras, puis j’ouvris discrètement la porte et me plaçait dans le couloir. Au bout de celui-ci, je voyais le débarras, sa porte bien alignée, et Hanami qui avait entamé le combat.

Je m’apprêtai alors à foncer sur eux à revers quand j’entendis du bruit derrière moi. Je fis volte-face et constatait que l’un des deux était là. Sur l’instant, j’étais complètement perdu. Comment ? Pourquoi ? Puis, jetant un rapide coup d’oeil vers Hanami, je vis un double de mon adversaire disparaître en fumée. Un clone. Une copie. Merde. Comprenant rapidement qu’ils avaient retourné notre plan contre nous, je me retournai vers le vrai assaillant pour engager le combat. Sauf que ce petit temps de réflexion me coûta cher. Il avait déjà eu le temps de me foncer dessus et son poing s’écrasa alors sur ma joue. Ce n’était pas le première fois que je prenais un coup de la sorte, j’avais déjà participé à des exercices dans ce style, mais cette fois là, la surprise ajouta beaucoup à la douleur. Je tombai alors au sol, poussant un gémissement de douleur à peine étouffé. Je ne savais pas comme Hanami se débrouillait, mais je n’allais pas pouvoir l’aider tout de suite. J’avais d’abord un autre problème à gérer.

Réagissant au quart de tour, je fis une petite cabriole en me servant de mon alter pour me remettre droit, flottant légèrement au dessus du sol. Sans plus attendre, je fonçai poing devant sur mon adversaire pour l’attraper par la taille et le précipiter vers le mur au fond du couloir. La distance était réduite, une petite dizaine de mètres, tout au plus. Je n’allais donc pas pouvoir atteindre une vitesse très élevée. Tant mieux dans un sens, car j’éviterais ainsi de lui briser la colonne vertébrale, ais aussi dommage car je risquais de ne pas réussir à le sonner d’un seul coup. Peu importe, je n’avais pas le temps de réfléchir à d’autre options. Je fonçai donc le plus vite possible, lui donnant alors un coup en plein ventre au dernier moment pour le projeter et ajouter un peu d’inertie au choc. Mais comme prévu, je n’avais pas pu atteindre une très grande vitesse : la distance était trop courte. Au jugé, je m’étais sans doute déplacé à une petite dizaine de kilomètre par heure. Et nous étions dans un immeuble de type « bureaux d’entreprises » à l’américaine, avec des murs en contre plaqué. Pas très solides, donc. Je vis alors mon adversaire travers ce dernier et tomber quelques mètres plus loin. Était-il sonné ou toujours apte au combat ? Pas le temps de vérifier, Hanami était seule au prise avec l’autre, et je n’avais aucune idée de la nature de son alter.

Je jetai alors un œil vers les deux filles. Si Hanami semblait user de ses jets d’air comme je m’y attendais, l’autre semblait capable de se mouvoir à grande vitesse, ou du moins plus rapidement que la moyenne. Un alter de déplacement rapide, donc. Ce qui allait probablement poser problème pour l’atteindre. À moi comme à Hanami. Je devais faire vite et foncer sur elle tant qu’elle était occupée avec ma partenaire. L’effet de surprise me serait extrêmement utile, et une fois que je l’aurais attrapée et mise au sol, Hanami pourrait rapidement la neutraliser. Il ne me resterait alors plus qu’à retourner m’occuper du cloneur. Je pris alors une grande inspiration avant de me préparer à foncer à toute vitesse sur l’adversaire d’Hanami, mais alors que je m’apprêtai à m’élancer, je sentis quelque chose attraper ma cheville et me tirer en arrière. En me retournant, je n’eus que le temps de comprendre ce qu’il s’était passé qu’à nouveau, je reçus un coup de poing, mais cette fois, en plein milieu du visage. Je sentis un craquement au niveau de mon nez et une douleur aiguë qui m’arracha un cri de douleur beaucoup plus bruyant que le précédent. Je me tenais alors le nez et observais en face de moi : mon adversaire avait déjà récupérer de sa chute et généré un nouveau clone, et les deux se tenaient devant moi, prêt à me passer à tabac.

« Et merde … Désolé Hanami, j’ai foiré … »

Je n’avais pas vraiment eu le temps de voir grand-chose, m’étant rapidement fait étaler au sol par mon adversaire qui savait clairement mieux se battre que moi. Cela dit, quand je vis débarquer Hanami dans la mêlée. En une fraction de seconde, elle propulsa le cloneur à travers le trou dans le contre plaqué que j’avais créé un peu plus tôt. Elle se tourna ensuite vers moi, me tendant la main pour m’aider à me relever tout en secouant la tête. Elle avait bien raison, j’avais été lamentable. Trop lent, trop faible. Pathétique. C’était elle qui avait fait tout le boulot, je n’avais servit que de figurant … Tant pis, au moins on avait réussi l’exercice. Du moins je le pensais.

Alors que je me redressais, je me tenais le nez et demandais à Hanami comment s’était déroulé son affrontement avec l’autre élève. Elle me raconta rapidement le combat, tandis que j’allais vers le cloneur pour le neutraliser définitivement en lui ligotant les poignets et les chevilles. Au moins, il ne pourrait plus s’en prendre à nous. Et donc, en théorie, nous avions gagné. Sauf que le professeur ne donnait pas le signal de fin de l’exercice, ce qui me fit rapidement tiquer. Je me relevai et me tournai vers Hanami, prêt à lui demander si elle ne trouvait pas ça étrange que l’exercice ne prenne toujours pas fin, quand je la vis à l’autre bout du couloir.

La rapide s’était relevée, et j’eus tout juste le temps de réagir. Elle poussa un hurlement de rage, criant de toute ses forces le nom de celle qu’elle voulait anéantir.

« HAAANAAAAAMIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII »

Le cri résonna dans tout le bâtiment. Heureusement pour la fille aux cheveux roses, j’avais réagis juste à temps. Je plongeai alors vers elle, l’attrapant par les épaules pour pivoter et la projeter au travers du mur de contre plaqué démoli avant de refaire face à la flèche qui arrivait si vite vers moi qu’en une fraction de seconde, nous nous retrouvions à seulement un mètre l’un de l’autre. Dans un réflexe instinctif, je baissai la tête et fermait les yeux, tendant les bras en avant pour tenter de la saisir.

J’entourai alors sa taille de mes bras, mais son élan était bien supérieur au mien et ce fut elle qui remporta le combat de force inertielle. Je n’avais aucun moyen de l’empêcher de continuer sa route vers Hanami, alors il allait falloir improviser. Je la serrai alors fermement avant de monter brusquement pour l’écraser contre le plafond. Au final, je me retrouvais carrément à l’étage supérieur. La violence du choc me fit alors lâcher prise, mais heureusement, l’autre élève avait aussi accusé le coup. J’allai alors m’étaler au sol, serrant les dents quand la douleur dans mes bras se fit sentir. J’étais alors prêt à parier que je m’étais au moins brisé l’un des deux bras, si ce n’était les deux. J’espérai simplement que mon adversaire était au moins aussi mal en point que moi.

Je savais bien que c’était un exercice, et qu’on devait jouer des rôles, mais cette fille donnait quand même l’impression de prendre ça un peu trop à coeur. D’accord, Hanami n’était clairement pas la fille la plus facile à vivre, mais là, c’était quand même un tantinet trop extrême. Et au-delà de ça, j’étais un futur héros. Rôle de vilain ou pas, je ne pouvais tout simplement pas laisser ma partenaire se faire attaquer sans la protéger. Hors de question. Malgré la douleur, je me relevai donc, faisant face à mon adversaire.

« Tu … ne toucheras pas … à un seul de ses cheveux … avant de m’être passé sur le corps … Compris ? »

J’avais du mal à parler, mon souffle était court. En même temps, traverser un plafond, ça faisait mal. Ça et les deux coups bien brusques que j’avais reçu en pleine face, ça n’aidait pas à garder les idées claires. J’avais la vue qui se brouillait légèrement, et du mal à garder mon équilibre. Autant dire qu’à moins d’un miracle, à la prochaine attaque j’étais définitivement hors course. Mais je refusai de me laisser abattre pour autant. Parce qu’un héros, ça n’abandonne pas.

« Allez … Amène-toi. »

La coureuse semblait en très mauvais état, tout comme moi. Cela dit, elle semblait tenir debout bien mieux que moi. C’était décourageant : tout le monde semblait réussir à mieux encaisser que moi. Le cloneur avait réussi à se relever après avoir traversé un mur. Alors oui, c’était du contre plaqué, mais il s’était quand même bien étalé par terre. Et pourtant, il avait réussi à se relever rapidement pour m’en recoller une. Cette fille qui avait traversé le plafond avec moi semblait avoir dégusté, mais là je devais lutter pour simplement rester debout et garder les yeux ouverts, elle se tenait simplement un bras et donnait l’impression qu’elle pourrait de nouveau courir à pleine vitesse. Et moi, au bout de deux coups de poing, j’étais presque K.O. Franchement, c’était ridicule.

Alors que je me préparai à me faire assommer pour de bon, n’était clairement plus en état d’esquiver ni d’encaisser la moindre attaque, la sonnerie signalant la fin de l’exercice retentit, et le professeur apparu derrière la rapide pour l’attraper par le col. On pouvait lire sur son visage qu’il était tout sauf fier de nous. Il fallait dire, maintenant que je pouvais observer les alentours, qu’on y avait été un peu fort. Sans parler que maintenant que j’y pensais, on avait complètement négliger l’objectif principal de l’exercice, héros comme vilains. Hanami, qui nous avait rejoins entre temps, vint m’aider à marcher pour aller à l’infirmerie. Elle passa un de mes bras par dessus son épaule, ce qui ne manqua pas de me faire grimacer de douleur.

Par contre, est-ce qu’elle était sincère quand elle me disait que j’avais assuré ? Je n’avais clairement pas eu cette impression. Je n’avais été bon qu’à servir de sac de frappe pour le cloneur, qui n’avait d’ailleurs eu besoin que de deux coups pour me mettre au sol. Tout ce que j’avais fait, c’était empêcher l’autre folle de s’en prendre à Hanami.

« J’ai pas assuré, arrête … J’ai été pathétique. Et désolé de t’avoir balancée comme ça, mais sur l’instant, j’avais pas trop le temps de réfléchir. Je voulais surtout t’empêcher de te faire prendre en traître … D’ailleurs, tu lui as fait quoi à cette fille pour qu’elle te déteste autant ? »

Ma curiosité allait-elle m’attirer des ennuis ? Qui savait … J’avais envie de savoir à quel point elle et Hanami pouvait se haïr, car son cri de rage ne laissait planer aucun doute : elle ne pouvait pas blairer la rose. En attendant, nous étions arrivés à l’infirmerie pour nous faire soigner. Si pour Hanami et le cloneur, les blessures n’étaient que superficielles, la rapide et moi étions dans un bien plus mauvais état. Comme je l’avais deviné, j’avais le bras droit cassé suite au choc quand j’avais traversé le plafond. Heureusement, rien que l’alter de Recovery Girl ne pouvait arranger. Une fois qu’elle eut finit ses soins, elle m’annonça qu’une nuit de repos suffirait à récupérer totalement de mes blessures, non sans prendre la peine de me donner un coup de canne sur la tête en guise de réprimande.

Pendant ce temps, notre professeur nous toisait du regard. Une fois que les soins furent terminés, il s’avança vers nous et nous observa l’un après l’autre avant de pousser un profond soupir.

« Bien, je suppose que vous vous doutez de ce qui va suivre. Hanami, pour commencer. Ton comportement qui visait à provoquer les héros était une … idée. Franchement, tu aurais pu trouver mieux, mais cela dit, tu as su exploiter les informations que tu avais sur tes opposants à ton avantage. Pour un temps. » dit-il en fixant la coureuse. « Cela dit, votre plan était trop simple, et surtout, vous n’aviez clairement pas prévu d’autre cas de figure. La preuve avec toi, Kenzo. Tu t’es laissé surprendre par l’alter de clonage de ton adversaire, et tu t’es alors retrouvé paralysé par la stupeur. Cela dit, tu as néanmoins prouvé que tu étais capable de réagir rapidement, notamment quand tu as voulu protéger ton partenaire. »

Le professeur marqua une pause, soupirant une nouvelle fois. Il fit alors le débriefing aux deux autres, et j’en profitai pour lancer un regard interrogateur vers Hanami. J’imagine qu’elle aussi s’attendait à des remontrances, une bonne engueulade bien en règle. Et pourtant, tout ce qu’on avait reçu jusque là, c’était un simple compte rendu de notre performance. De quoi être pas mal dérouté. Mais avant que je puisse ouvrir la bouche pour lui demander directement ce qu’elle en pensait, le professeur reprit la parole en s’adressant à tout le groupe.

« En revanche, votre comportement à été complètement inacceptable. Je sais bien que vous deviez jouer un rôle, mais ça restait avant tout un exercice ! Toi, pour commencer. » fit-il en se tournant vers la coureuse. « Ton comportement envers Hanami était complètement indigne d’une héroïne. Que tu aies des comptes personnels à régler avec elle, soit. Mais ça se règle en dehors des cours, et sans pour autant par la violence. Si Kenzo n’était pas intervenu, tu aurais pu gravement la blesser. Et d’ailleurs, puisqu’on en parle, Kenzo, même si tu as réagis de manière instinctive pour protéger ta partenaire, ce qui est un très bon point à ton avantage, par la suite, tu as clairement été trop loin. Tu t’es grièvement blessé, sans compter que si le plafond n’avait été aussi peu résistant, tu aurais pu blesser ton adversaire beaucoup plus gravement, et toi aussi. Pour la peine, vous serez sanctionnés. Vous trois. Toi, en revanche, tu peux déjà y aller. » fit-il à l’attention du cloneur. « Pendant quatre semaines, vous serez en retenue les mercredis après-midi. Compris ?
- Oui, monsieur … » dis-je alors, les yeux fixant mes pieds d’un air honteux.

Une fois ses remontrances terminées, le prof quitta l’infirmerie pour retourner superviser la fin du cours, nous laissant seuls tous les quatre. Je regardai alors les deux autres. Le cloneur quitta rapidement la pièce, ses blessures n’étant pas graves, mais la coureuse, elle, fixait toujours Hanami d’un regard noir. Je tournai alors également la tête vers la rose, guetta sa réaction face à tout ceci.

Sans vraiment de surprise, l’explication qu’Hanami m’avait fournie sur la raison pour laquelle l’autre pimbêche ne pouvait pas l’encadrer était des plus superficielles : les deux étaient animées d’une haine réciproque. Hanami et son caractère bien trempé refusant de se laisser marcher sur les pieds, elle semblant avoir un complexe d’infériorité à compenser en agissant comme une cheftaine qui prenait les autres de haut … Quel cocktail explosif. Et il avait fallu qu’elles se retrouvent l’une face à l’autre au cours d’un exercice, avec ce pauvre Kenzo au milieu. Je soupirai en voyant la scène d’un point de vue extérieur.

Quant aux sanctions données par le professeur, là non plus, aucune surprise : quatre mercredi après-midi en retenue. Hanami, la coureuse et moi. Mon regard devint livide. Rien qu’à l’idée de me retrouver enfermé dans une salle de classe avec ces deux furies me donnait des sueurs froides. Ce qui ne fut pas arrangé par la réaction d’Hanami, qui réservait visiblement ses mercredis à s’entraîner pour le tournoi … Génial, elle serait encore plus désagréable, maintenant. Je poussai alors un profond soupir, complètement démoralisé par cette nouvelle.

Puis Hanami alla se planter devant sa nemesis, la toisant du regard. De la pure provocation, du Hanami tout craché, ça. Et elle avait fait mouche, puisque la brune la dépassa en trombe pour quitter l’infirmerie avant de lui claquer la porte au nez, non sans partir sur une petite pique bien sentie à laquelle Hanami répliqua de façon magistrale, il fallait bien se l’avouer.

Je me relevai alors de mon lit, grimaçant à cause de mon bras encore douloureux, et je rejoignis Hanami à la porte. Je portais mon sac non sans difficulté, ayant de mal à le passer sur mon épaule. Avec un bras encore en écharpe et l’autre bien engourdi, j’avais l’air bien ridicule à essayer de me le mettre sur le dos. Je lançai des petits regards furtifs à Hanami, guettant une réaction quelconque de sa part, alors qu’un silence pesant s’installait. Silence que je décidai de rompre au prix d’un effort colossal pour vaincre ma timidité.

« Je me demande comme ça se passe pour les autres, cet exercice … »

Sans doute qu’elle s’en fichait pas mal, mais j’essayais désespérément de briser le silence gênant qui régnait entre nous deux.

« Je suis désolé qu’à cause de moi, tu puisses pas avoir tes mercredis pour t’entraîner. Excuse-moi … Si j’avais été meilleur, on en serait sans doute pas là. J’aurais réussi à maîtriser l’autre, et t’aurais pas eu besoin de venir m’aider. Et du coup l’autre foldingue n’aurait pas essayé de te prendre en traître et … »

Je marquai une pause. Je me trouvais vraiment pathétique, et je n’étais pas dupe. Je me doutais qu’Hanami devait avoir la même opinion sur moi, même si elle avait tout de même fait l’effort de me complimenter sur ma piètre performance. Sans doute pour m’encourager, me pousser à voir le positif. Sans doute.

« Merci quand même pour le compliment, tout à l’heure. C’est sympa. »

Hanami ne semblait en avoir rien à faire du reste de la classe. Je ne pouvais pas dire que ça me surprenait. Elle avait après tout cette réputation de petite peste et semblait vouloir y faire honneur. Du moins, c’est ce qu’on m’avait raconté sur elle quand je m’étais retrouvé dans la même classe qu’elle, et jusqu’ici, elle donnait l’impression de porter fièrement ce titre. Cela dit, elle n’était pas non plus totalement mauvaise. Même si je voyais bien qu’elle m’aidait plus par pitié qu’autre chose, rien ne l’y obligeait. Elle aurait tout simplement pu me laisser me débrouiller avec mon sac et mon bras en écharpe, mais non, elle avait quand même prit la peine de me donner un coup de main.

J’avais bien vu son regard furieux quand j’avais commencé à me rabaissé suite à ma piètre performance au cours de l’exercice, et j’avais finalement décidé de me taire après avoir quand même pris la peine de la remercier pour son compliment. Sincère ou non, je n’en recevais pas si souvent que ça, alors c’était toujours bon à prendre. Bien que, quand j’y réfléchissais, j’avais du mal à voir de quelle manière j’avais pu assurer, je souriais en y repensant.

« Dis, tu trouves vraiment que j’ai assuré pendant l’exercice, où t’as juste dit ça pour pas me froisser ? Sois sincère, s’il te plaît. »

Je marquai une pause, regardant mon bras en soupirant, un peu honteux de l’état dans lequel je me retrouvais. Moi qui voulait devenir un héros spécialisé dans le sauvetage, je n’avais clairement pas été à mon avantage dans cet exercice qui avait mis en avant les compétences de combat. Et pourtant, il avait bien s’agit, d’une certaine façon, d’un exercice de sauvetage. Si Hanami et moi avions été dans l’autre rôle, j’aurais eu pour mission de sauver deux personnes. Cela n’enlevait donc rien à ma performance largement insuffisante, ce qui me fit à nouveau soupirer.

« J’aimerais juste trouver un moyen de m’améliorer, de devenir meilleur. Mais avec le pouvoir que j’ai, je suis pas du tout fait pour le combat. C’est ma grande faiblesse, et j’aimerais bien parvenir à y pallier. Ne serait-ce qu’un peu. » Je relevai alors les yeux vers la fille aux cheveux roses, lui adressant un regard beaucoup plus déterminé. « J’ai vu pendant les premiers combats du tournoi que t’avais plutôt pas mal assuré niveau baston. Du coup … Si ça t’embête pas, bien sûr, t’aurais pas quelques conseils à me donner ? »

D’un côté, j’espérais que cette prise d’assurance soit bien vue par Hanami, qui était clairement de genre marcher sur les autres s’ils n’avaient pas la force de s’imposer, ce qui était malheureusement mon cas. De l’autre, j’avais peur qu’elle me rit au nez, qu’elle m’envoie balader. Je m’attendais davantage à un refus qu’autre chose, mais je gardais quand même espoir qu’elle accepte, à défaut de m’aider concrètement, de me donner un coup de main. Je me forçai donc à garder un air assuré, du moins autant que je le pouvais.

La remarque d’Hanami sur sa capacité à se servir de ma tête me piqua un peu plus fort que ce que j’aurais cru, mais elle n’avait pas totalement tord. Ce n’était pas que je n’y avait jamais pensé, au contraire. Suivre des cours de self-défense, close combat ou autre, j’y avais déjà songé. Non l’ennui, c’était simplement que je n’avais jamais osé franchir le pas pour s’y inscrire, trop effrayé à l’idée de finalement ne pas voir les épaules pour tenir la cadence. Quant à aller voir des étudiants plus âgés … et bien c’était au final le même soucis. je n’osais pas faire le premier pas.

En réalité, demander conseil à Hanami avait davantage été pour moi une façon de se motiver, comme pour se dire que si quelqu’un d’autre me le conseillait, c’est que j’avais fait le bon choix. Il me fallait juste un brin de motivation en plus, puisque moi-même n’arrivais pas à mobiliser assez d’assurance pour prendre l’initiative.

Et pourtant, quand je repensai à la façon dont l’exercice s’était déroulé précédemment, de l’assurance, j’avais su en montrer quand la situation l’avait exigé. Certes, je n’avais pas particulièrement brillé face à mon premier adversaire, mais quand l’autre foldingue avait déboulé pour tenter d’avoir Hanami en traître, je n’avais pas hésité une seule seconde et avais agis à l’instinct. Et c’était alors plein de détermination et d’assurance que j’avais fait face à mon adversaire, alors même que mon corps me faisait souffrir de partout et que j’étais à deux doigts de sombrer dans l’inconscience.

Je savais que j’avais les capacités en moi pour être un bon héros, mais seulement j’avais du mal à m’en persuader. Je craignais toujours de ne pas être à la hauteur des attentes qu’on pourrait placer sur moi, et ça me bloquait totalement. Mais si je voulais devenir un héros, je devais surmonter cette peur de décevoir, je devais la vaincre pour ne plus qu’elle m’entrave. Sans quoi, je pouvais aussi bien quitter le lycée sur l’instant. Je le relevai alors la tête vers Hanami.

« Ouais, je pense que je vais faire ça. Il doit bien y avoir parmi les élèves de troisième année des alters qui ressemblent au mien, et qui pourraient me donner des conseils. Quant au combat … Je vais devoir m’y mettre sérieusement. »

Je marquai une pause. J’avais une idée en tête, mais je n’étais pas sûr que ce soit une bonne idée de poser la question à Hanami. Après tout, elle était déjà pas mal occupée de son côté avec ses entraînements, elle avait déjà l’aide d’un autre élève et … Et puis en partie à cause de moi, elle allait louper quatre séances pendant le prochain. Elle risquait d’être plutôt remonté sur le sujet, mais en même temps … Quoi de mieux pour lui montrer que j’avais envie de progresser que ça ? Je me stoppai alors.

« Hanami. À l’occasion … ça te dirait qu’on s’affronte en un contre un ? »

Je lui lançai alors un regard tout à fait différent que celui que j’avais d’ordinaire. Loin d’être timide et apeuré, il était droit, plein d’assurance. Je me ferais sans doute laminer par la Rose, mais peu importe. L’affronter elle, une battante au caractère bien trempé, une forte tête qui ne manquerait pas de me marcher dessus au moindre signe de faiblesse, ça serait une motivation incroyable pour me forcer à progresser. Car si je parvenais un jour à la surpasser, ça serait le témoin de mes efforts. Une première étape vers le héros que je voulais devenir. Un héros qui, malgré toutes les difficultés, finit toujours par surpasser les obstacles.