23h41
Il était bien tard pour le menuisier que j'étais. Mais pour le Vigilante ? Pas vraiment, non. Des nuits blanches, j'en fait quelques unes. Surtout quand le boulot n'afflue pas des masses à l'atelier. Et puis, grâce à Crépuscule, le petit groupe de Vigilantes que j'ai rejoint, j'ai un flot continu d'informations, en quelque sorte, de ce qui peut se passer à droite à gauche, voir si on doit s'en occuper ou non. Ce qui fait qu'on gravite toujours autour de Musutafu. Logique, en même temps. Qui attaquerait directement la ville où réside “la plus grande école héroïque au monde” ? La criminalité n'y est pas absente, cependant. Juste “rare”, je dirais. Saeko, celle qui s'occupe des informations circulant au sein de Crépuscule, m'avait alertée concernant des meurtres dans un certain quartier. C'était là que j'étais ce soir. Attendant patiemment sur un toit, guettant la moindre action suspecte. Selon Saeko, il y eut trois victimes pour le moment, tuées de la même manière. La porte d'entrée forcée, la gorge tranchée, le tout sans un bruit, sans que personne ne soit alerté. J'avais découvert que les trois victimes étaient non seulement collègues, mais ils étaient également amis à en croire leurs réseaux sociaux. Fêtes, beuveries, rave party et j'en passe. Mais c'est au lycée qu'ils se sont connus tous les quatre. Oui, quatre. Il y avait une quatrième personne dans le groupe. C'est devant le domicile de celle-ci que je m'étais posté depuis plus de 2h, maintenant.

Cinq minutes après, j'étais en train de poursuivre une personne qui était sur le toit d'en face, surprise que je sois là. Vu comment elle regardait en direction de la porte puis aux alentours, j'étais quasiment sûr que cette personne était l'auteur·e des meurtres. Et puis, quand elle m'a vu et détalé aussitôt, je n'ai pas réfléchi et me suis lancé à sa poursuite. Une personne innocente ne s’enfuirait pas comme ça. Ce qui m'étonne, c'est que je ne l'ai pas entendu. Elle n'a fait aucun bruit à partir du moment où elle m'a vu jusqu'à ce qu'elle s'enfuit. Course poursuite, donc. Elle était rapide. Et savait bien se mouvoir, en plus ! Est-ce que je devais sortir mon flingue pour ça ? Non. Mon grappin suffira. Je décidais donc de lui tirer mon grappin à travers l'épaule pour l'arrêter. Elle serait blessée, mais au moins, je pourrais obtenir des réponses.

Elle esquiva mon grappin, et contre-attaqua directement après. Je ne sais pas d'où elle vient, mais elle est entraînée. Très bien entraînée. Elle savait que je ne la lâcherais pas comme ça donc le seul moyen qu'elle avait de se débarrasser de moi, c'était en me combattant. Mais comme je l'ai dit, elle était bonne au corps à corps. Ses coups étaient lourds et précis, en plus du fait qu'elle avait sans aucun doutes des bottes renforcés, je me devais d'utiliser mon alter pour ne pas me briser quelque chose. Alors qu'elle me frappa d'un coup de pied au visage, je n'entendis rien. Aucun bruit malgré l'impact. Était-ce son alter ? Sûrement. Mais ce coup « sourd »,m'avait déstabilisé. Assez pour qu'elle prenne l'avantage et m'éjecte du toit. J'ai pu choper mon grappin au passage, mais cela n'a que ralenti ma chute en me prenant le mur pour au final atterrir sur une carcasse de voiture en bas. Alter de renforcement ou non , la douleur était là. Mais rien de cassé.
Dans mon oreillette, Saeko me contacta concernant ces meurtres :

« Karma ? Tu m'entends ? J'ai les infos que tu m'as demandé »

Je me relevai difficilement pour m'asseoir sur l'épave sur laquelle j'avais atterri et lui répondre

« Envoie-les moi...s'te plaît.. »

Je savais qu'elle avait disparue. Je remontais tout de même avec mon grappin au cas où, mais rien. Avec son alter, aucun moyen de savoir où elle avait pu aller après m'avoir éjecté du toit. Je n'ai absolument rien entendu. Et honnêtement, j'en avais un peu marre, là. On ne peut pas gagner à tout les coups. C'est en regardant vers le bas que j'aperçus un bar ouvert. Plus de 2h d'attente et une course poursuite, ça valait bien une petite bière. Après l'achat de celle-ci, je retournais sur un des toits près de la "quatrième victime", des fois que l'auteur des crimes ne se repointe. Et c'était aussi histoire d'être tranquille. Enfin, du moins, je pensais que ce toit était vide.

Qu'est-ce qu'il fout là, lui ? Soit c'est un civil, soit, dans le pire des cas, c'est un héros. Dans la peau de Karma, je ne suis pas très causant. Que faire ? Je veux pas faire mon rustre, mais Karma ne va pas juste faire la causette au premier venu. J'étais venu ici pour une raison. Boire une bière, certes, mais surtout surveiller les environs au cas où la meurtrière ne se repointe pas pour finir ce qu'elle avait entreprit de commencer. Changer de toit ? Je préfère ne pas tourner le dos à cet inconnu et donc risquer de me retrouver en position de faiblesse. Il en profiterait à coup sûr. C'est ce que je ferais si les rôles étaient inversés. Coller une balle dans la jambe pour ne pas qu'il s'enfuit plus loin. Mais ce serait plus dans le cas où il serait un héros. Et si ce n'était réellement qu'un civil tout simplement surpris de me voir débarquer sur "son toit" ?

C'est quand même une sacrée coïncidence qu'il soit précisément ici. Le fait qu'il rôde autour me laisse entrevoir la possibilité d'un complice. Il n'y avait rien là-dessus quand j'ai mené mon enquête, mais cela reste probable. Il était visiblement sur ses gardes. Rien de pire que d'être assaillit par le doute. Il aurait pu m'attaquer à vue mais il ne l'a pas fait et a au lieu de ça instauré le dialogue. Est-ce qu'il essaye de dissimuler son véritable rôle ? Je devais certes en savoir plus, mais je devais également ne prendre aucun risque. Le considérer comme hostile, au vu des circonstances, me semblait être la meilleure option.

"Karma."

Une réponse courte, claire, nette et précise...peut-être un peu trop courte mais il n'aura qu'à s'en contenter. Au pire, il ne comprendra pas et continuera avec ses questions, ce n'est pas comme si j'étais énormément connu.
Je dirigeais légèrement mon regard pour apercevoir la porte de la quatrième personne dont la vie était en danger. Rien pour le moment. Tant mieux. Dans un léger soupir de soulagement, je décida d'ouvrir ma bière tout en tenant du regard le jeune inconnu. Je baissa légèrement mon masque pour boire quelques gorgées. Je savais qu'il ne pouvait pas voir mon visage à cause non seulement de ma tenue mais également par la faible luminosité qui régnait sur ces toits.
Ma réponse n'allait pas forcément plaire. L'agacement allait se faire ressentir. En précaution, j'activais mon alter en ne faisant que durcir mes os sans les faire ressortir pour que l'inconnu ne se doute de rien.

Je sais que ce n'est pas plaisant d'avoir un flingue braqué sur soi, mais il y avait trop de données inconnus ici. Je dégaina de l'autre main et pointa mon arme sur le jeune homme. Alors que je terminais ma bière et la posa à mes pieds tout en le tenant en joue, je remontais mon masque pour commencer à le questionner

“Tu es avec elle ? Tu es son complice ?”

Alors oui. Si j'avais la certitude qu'il l'était, j'aurais tiré dans ses genoux et l'aurai questionné après coup. Mais il restait encore la faible probabilité que ce ne soit qu'un civil. Auquel cas, si il l'était vraiment, partir d'ici le plus vite possible était la solution la plus logique, selon moi, histoire de ne pas prolonger ce moment...gênant.

Des lianes ? Pour le coup, oui, je ne m'y attendais absolument pas. Le coup de fouet sur la main non plus. Une fois l'arme en 'sûreté' près du prétendu héros, je regardais ma main, l'endroit où la liane avait frappé. Heureusement que j'avais mon alter d'activé. Un coup un peu plus puissant comme ça directement sur les os et ceux-ci auraient été détruit, je pense. Là, je n'avais qu'un hématome sur la main et un léger engourdissement. Ça guérira, va. Certes, le choc me fit légèrement grogner intérieurement, mais le calme était de mise. M'emporter sans stratégie, c'est garantir de se faire prendre de vitesse. Observons. Il semble contrôler des plantes. Du moins, c'est ce que j'ai pu voir pour le moment. Contrôler, mais pas créer ? Celles-ci venaient du sol, pas de ses mains. Peut-être les a-t-il fait jaillir de ses pieds pour les enfoncer sous terre ? Avec la faible luminosité, je ne distinguais vraiment pas si il y avait de quelconques craquelures au niveau du sol, sous ses pieds, confirmant mon hypothèse. Il y a eu, quoi, même pas cinq minutes entre le moment où il a prit sa position défensive et celui où les lianes ont jaillis ? C'est peu et beaucoup en même temps. Il a du manipuler ses lianes avec précaution et précision pour ne pas qu'on les entendent. Il devait les bouger lentement sous nos pieds pour n'éveiller aucun soupçons. Okay.

Disait-il la vérité ? Était-il réellement parmi les héros ? Hum. Ce serait pratique, pour lui, de l'être. Et j'en ai vu pas mal qui prétendait l'être parmi les Vilains pour mieux me planter un couteau dans le dos. Quelque chose me dérangeait tout de même. Il aurait pu faire bien plus que me désarmer si il l'avait voulu. Mais en même temps, il ne sait pas que mon arme n'est pas létale, logique qu'il ait voulu me la prendre avant toute chose. Il ne s'est même pas donné la peine de me ligoter ou ne serait-ce que de m'immobiliser les pieds. Rien. Pourquoi ? Bah. Pas de bol pour le jeune 'héros'. Il n'aura pas de seconde chance comme ça. Honnêtement, je suis légèrement rancunier. Et il est bavard, en plus. Les gens trop bavards, ça me gave, par moment. Je ne prenais même pas le temps de lui répondre, tant je n'en avais juste pas envie.

Un coup de pied dans la bouteille à mes pieds, la propulsant au visage de l'individu. Une diversion, évidemment. En me baissant, pour éviter de potentielles lianes, je dégainais mes armes. De la main gauche je pris ma lame, de ma main droite, mon pistolet-grappin. Je profitais de la surprise pour tirer mon grappin juste au-dessus de son épaule gauche, allant se planter dans le bâtiment un peu plus loin derrière. La force de traction de l'engin me propulsa rapidement vers le jeune homme. J'en profitais pour couper au mieux les éventuelles lianes qui me gênerait. Une fois arrivé à sa hauteur, je rengainais ma lame dans son fourreau. Pied en avant, je visais son plexus solaire. Je cherchais à plus l'incapaciter qu'autre chose, histoire d'avoir des réponses dans tout ce merdier sans qu'on s'attaque l'un l'autre, parce que je le sentais bien que peu importe ce que je dirais, à ces yeux ma parole ne valait pas mieux que celle d'un Vilain. Et ce que je redoutais semblait arriver. Si il était bel et bien un héros, il me prend pour l'assassin et un super quiproquo s'installe. Bref. Pour moi, tout ce qu'il voulait, c'était me foutre en prison. Et c'était hors de question. On est du même côté, sauf que les gars comme moi peuvent intervenir de manière plus discrète que les héros sous les feux des projecteurs. On devrait s'entraider, plutôt. M'enfin bon, là, ce n'était clairement pas ce que j'avais par la tête. L'exploser était mon objectif.

Alors que nous étions maintenant dans le vide grâce à moi, je je le rattrapa par la main. Pour le sauver ? Moui. Surtout pour profiter du mouvement de balancier et l'assommer contre le mur où mon grappin était fixé. Il y avait des fenêtres, certes, mais si on pouvait éviter de débarquer chez les gens comme ça, ce serait mieux.

La ferme. Mais la ferme, bon sang. Lui et moi, on était totalement opposé pour ce qui est de la parlotte. Mon masque le dissimule, mais j'arborais un air d'exaspération. Ce mec aime s'entendre parler et commenter tout et n'importe quoi. C'est quelque chose. Tout le contraire de Karma. Celui-ci ne prévient pas quand il va frapper. Il ne dit mot. Il se produit, c'est tout.

Garde ton calme. Ça ne sert à rien de lui répondre. Après tout, tu ne représentes pas une icône explosant pour tout et pour rien. Ses paroles détournent ton attention du combat. Qu'est-ce que je peux en dire ? Il semble familier avec la manipulation du bô staff, peut élaborer une stratégie rudimentaire dans l'urgence, simple mais efficace. Il observe à chaque attaque, essaye de s'adapter, de capter mon rythme pour casser le sien et me surprendre. En arts martiaux, c'est ce qu'on apprend le plus souvent. Le rythme. Comment le changer, l'accélérer, le ralentir, le varier, le casser pour qu'une fois que l'opposant n'arrive pas à suivre, bam, on frappe, on enchaîne jusqu'à ce que l'adversaire ne puisse plus se relever. A défaut donc d'attendre une opportunité, on la créer en faisant cela. C'est également ce que je devrais faire ici. Mais ses lianes sont un problème de taille. Je peine à rivaliser en vitesse avec elles. Le seul moyen d'y arriver, c'est avec mon grappin. Et comme c'est un héros, je me refuse à le planter directement dans son épaule pour le limiter. Hum ? Ah, le malentendu ? Quand se le dise, je l'ai mis de côté. En parler pourrait éclaircir tout ça, c'est vrai, mais là, je n'en ai pas envie, trop prit dans le combat.

Bref. Ce qui pourrait casser le rythme de ce jeune (et bavard) héros, ce serait une salve d'attaques. Qu'il ne sache plus où donner de la tête. Qu'il y ait trop d'informations à traiter pour en laisser s'échapper une et se la prendre de plein fouet. Qu'est-ce que j'ai sur moi ? Une matraque, un couteau, mon pistolet-grappin et mon Alter. Rejouer le coup de la diversion ne servira à rien. Il ne va pas se laisser cette fois-ci. Foncer dans le tas ? Hum. C'est con, mais ce serait assez inattendu de ma part étant donné que depuis tout à l'heure je joue la sécurité en ne l'attaquant pas directement de front. Peut-être qu'au final il faudra bien que je lui plante un grappin dans l'épaule ? C'est les emmerdes qui m'attendent si je fais ça...parce que là ce n'est pas déjà le cas..? Non. Il y a une autre solution. En espérant qu'il l'ait bel et bien sur lui. Couteau. Matraque. Grappin. Go.

Alors que je commençais à courir de manière circulaire autour du jeune héros, je lançais ma matraque vers le haut, en cloche et dans sa direction, puis dans un second temps lança mon couteau droit vers lui. Je savais qu'avec le peu de luminosité qui régnait ici, il ne pouvait pas savoir lequel était le couteau et lequel était un leurre. Alors que le héros s'occupait de la lame et de la matraque tout en essayant de garder un œil sur moi, j’ancrai mon grappin près de lui et, avec le mouvement circulaire de ma course, me retrouvait derrière lui. Un mouvement rapide de ma main vers lui et je m'écartais déjà de lui, esquivant de peu quelques lianes qui auraient pu me frapper de plein fouet. Mes diversions avaient bel et bien été neutralisées. Je me retrouvais maintenant dépourvu de ma lame et de ma matraque. Tout cela en vain, donc ? Non. Cette action n'avait pas pour but d'échanger des coups. Cette action n'était qu'une étape.

“Pare ça.”

C'est en voyant son air surpris que je compris qu'il n'avait pas du tout capté ce que je venais de faire. Mon flingue. Il l'avait bel et bien gardé précieusement à ses côtés, dans ses lianes. C'était quoi déjà le plan ? Ah oui. Foncer dans le tas et le surplomber d'informations. Alors que je tirais une salve de balle à différentes hauteurs, je profitais du chaos pour me propulser dans les airs avec mon grappin, le décrocher et le planter aux pieds du héros, me propulsant vers lui qui venait à peine de s'occuper tant bien que mal des balles que je lui avait tiré pour se retrouver avec un coup de pied dans la face. Être prêt de lui est dangereux. Mais être prêt de moi aussi. Je tirais mon grappin plus loin pour partir, mais pas avant de le mettre violemment au sol avec une projection. Ses lianes, agissant comme un système de défense, s'en prenaient tout de suite à moi. Je tirais sur elles pour ne pas qu'elles aillent plus loin et m'éloignais grâce à mon grappin. Une fois à bonne distance, j'échangeais de main mes deux armes, histoire de semer la confusion. Je me baissais et tirais avec les deux armes dans sa direction. Une balle dans le genoux et le grappin derrière lui. Les balles n'étaient pas létales et il allait s'en rendre compte après ça. Mais c'est un petit sacrifice que je suis prêt à prendre pour le défoncer. Pendant qu'il ressentait la douleur dans son genoux, je me propulsais vers lui, pied en avant. Une fois le coup mit, je sautais en avant en profitant de l'élan de mon grappin. Manque de chance, cependant. Je connaissais pourtant la vélocité de ses lianes, mais je les avais sous-estimés, ce coup-ci. Celles-ci m'attrapèrent le pied et me flanquèrent au sol. Merde. Réagis. Ta structure osseuse n'a rien, donc rien de cassé. J'ai beau rétracter mon grappin pour qu'il me sorte de là, rien n'y fait. Vise la liane et barre toi...non. Vise-le. Une balle qui lui frôla le visage, le déconcentrant assez pour me laisser m'échapper. Ah ? C'était la dernière. Changeons de chargeur et repartons à l'attaque. Malgré son gabarit, il était résistant, le héros. Je suppose que la sélection se fait plutôt de manière juste. Bien. Dans ce cas, pour le prochain assaut, je devrais tout mettre. Le déstabiliser, certes, mais le sonner complètement aussi. Si ses lianes n'étaient pas autour de lui, lui coller une balle en plein poire pour le sonner d'un coup serait envisageable, mais il faut croire que ses lianes soient aussi rapides que mes balles. Après, tout, on parle de l'équivalent d'un fouet, ici.

Ces lianes. Ces putains de lianes. J'avais beau m'en méfier, rien à faire. Il y a forcément un moment où elles rivalisent, me dépassent même, pour ce qui est de la vitesse. Dans les arts martiaux, on apprend à se relâcher et à frapper tel un fouet. Le relâchement total des muscles permet une mouvance plus rapide, des coups secs mais dévastateurs. Cette idée de ne pas se crisper, ce sont des années d'entrainement, et encore aujourd'hui je dois me rappeler de me détendre pour être plus explosif. Mais là, ces lianes sont ce qu'il y a de plus détendu, fendant l'air presque en ne faisant aucun bruit, me ligotant par surprise. Histoire que je ne sois pas désarmé, je serrais fermement mon grappin et mon arme dans chaque main. J'essayais tant bien que mal de me défaire de ces lianes mais à part profiter de leur légère élasticité, rien y fait. J'étais piégé. Que faire ? Appeler Saeko ? Appeler Crépuscule ? Non. Le temps qu'ils arrivent, je serais déjà remis aux autorités. Merde ! Cherche, bordel. Ta lame...non. Tu l'as jetée tout à l'heure. Tu n'as plus rien pour couper ces lianes. Plus rien..? Si. Si tu pouvais ne serait-ce que viser une des lianes avec ton flingue, ce serait bien assez pour l'empêcher de s'approcher. C'est un héros. Et à ses yeux, je suis un vilain. Il ne m'a pas tué, il m'a immobilisé, montrant qu'il ne veut qu'une chose: me démasquer. C'est mort, bordel. Impossible de viser correctement, les lianes tirent bien trop fort dans une direction pour que j'aille dans une autre. Lâche-moi, pourriture !

« Bonjour ! »

...qu'est-ce que c'était ? Ah, oui. La rage. Assez de rage pour me débattre en tirant dans tous les sens mon piège végétal, entendant même par moment quelques lianes grincer à force de gigoter violemment. J'en avais marre. Me faire battre, c'est une chose. Mais me faire démasquer, c'est me foutre en l'air moi mais également les personnes autour. Je devais sortir de là, fuir. Tant pis si il a vu mon visage, il ne sait rien de moi. Je devrais faire profil bas en attendant, mais il est hors de question que la police m'emporte. Encore un peu, je sens que ces lianes vont céder. J'avais beau ressentir les douleurs de notre affrontement qui commençaient à lentement faire surface, ça ne m'empêchait pas d'en rajouter en tirant sur mes liens. J'avais l'impression que j'allais m'arracher les membres ou me disloquer quelque chose. Il me restait en effet une carte, celle d'arborer au maximum ma structure osseuse au niveau de mes poings et de mes avant-bras. Le changement soudain de densité devrait faire rompre se lianes sur lesquelles j'avais déjà bien tiré et donc fragilisé. Pour une raison que je ne comprenais pas tout de suite, je le vis courir dans ma direction. Lui qui courait et moi qui arrachait les lianes dans sa direction ? Ça promet d'être dévastateur. Je n'activais mon alter que sur mon bras gauche, déchirant les lianes et venant écraser mon poing en plein sur le torse de mon adversaire, interrompant sa course et l'envoyant valdinguer plus loin contre la rambarde. J'arrachais les autres lianes qui entravaient mes mouvements et jeta un œil vers le jeune héros. Il semblait se tordre de douleur. Bien. J'en profitais pour ramasser mes armes et mon masque qui étaient disséminés sur le toit. Je devais retrouver mon calme. J'étais essoufflé, le combat m'avait bien amoché, je sentais la douleur qui était de plus en plus pesante sur tout mon corps. C'était avec mes dernière forces que je marchais vers lui, les dents serrées.

« Alors vous étiez deux… Bravo… je… je me suis fait avoir… va admirer ton travail vilain de mes deux… »

Hein ? Que...ah oui. Le quiproquo. C'était comme ça que tout avait plus ou moins commencé. Et puis, il m'avait soulé, aussi. Je n'en étais pas sûr au début, mais maintenant, je sais qu'il est un héros qui ne fait que son job. Arrêter les vilains, peu importe lesquels. C'était sa mission.
...la mission. L'assassin ! La victime ! Je n'ai pas pu cacher l'expression d'horreur sur mon visage une fois que j'avais fait la liaison entre ces mots et la situation. Je reculais de quelques pas en arrière avant de me retourner et de regarder vers le domicile de la personne qu'il était censé surveiller. Elle était au sol, gorge tranchée, baignant dans son sang. Non...NON ! D'un coup, la porte d'entrée s'ouvra violemment, laissant apparaître la personne qui m'avait jeté du toit un peu plus tôt. Mais c'était comme tout à l'heure. Sans un bruit. Pas étonnant qu'on ait rien capté pendant qu'on se battait. Mon premier réflexe fut de la viser avec mon arme de poing, mais la fatigue accumulée par le combat et les douleurs rendaient mon corps lourd, rendant impossible une visée correcte. Il fallait que j'aille au corps à corps. Il fallait que je me rapproche. Le bruit du grappin allait l'alerter, je devais donc agir rapidement. Je plantais mon grappin dans le mur en face et sautait dans sa direction, le pistolet-grappin ralentissant ma chute, pointant l'assassin de mon arme de poing. Nos regards se croisèrent un court instant et alors que je m'apprêtais à presser la détente, elle avait lancé sa lame vers mon visage. Par réflexe, je mis mon bras devant mon visage pour me protéger, faisant ricocher de justesse sa lame sur mon arme. Je n'ai même pas eu le temps de retendre mon bras pour la braquer avec mon arme qu'elle m'asséna un violent coup de pied dans l'estomac, me faisant presque vomir et me stoppant net dans mon saut, m'écrasant au sol sur le dos. Je me pliais de douleur. J'en avais perdu mon arme. Mon pistolet-grappin restait suspendu un peu au-dessus du sol, le long du mur. Merde. J'ai trop mal pour bouger. Hu ? Elle ne semblait pas vouloir terminer le travail. Elle tourna les talons et partit. Comme ça. Disparaissant dans l'obscurité des ruelles lointaines. Merde. MERDE ! Si seulement ce con n'avait pas été là ! J'aurais pu...hah...de qui je me moque ? C'est aussi ma faute, tout ça. Bon. Que faire, maintenant ? Si ça se trouve, il appelait les autorités ? Il fallait que je parte. Je respirais fort, rapidement. Ce n'était pas fini. Je devais me casser de là...non...je devais m'expliquer. Je ne pouvais pas partir sans lui avoir parlé avant. Je récupérais mon arme et le rangea dans son holster. Je pris mon pistolet-grappin et rétracta le câble pour monter doucement le long du mur jusqu'à atteindre le toit en face de celui sur lequel se trouvait le jeune héros. Je m'allongea sur le dos dans un râle de douleur, laissant suspendre mon bras et ma jambe. Je ralentissais ma respiration en inspirant grandement par le nez et en expirant par la bouche. Une fois celle-ci revenue à peu près à la normale, je tournais mon regard vers lui.

“J'étais ici pour l'arrêter, elle. Et non pas pour tuer qui que ce soit. Oui, je ne suis pas un héros comme toi. Mais je ne suis pas non plus l'ennemi”

Je tournais difficilement la tête vers le ciel, affichant une expression de culpabilité et dégoût envers ma personne. J'avais volontairement mis la mission de côté pour une stupide histoire de quiproquo et pour me battre. Mais quel con. Je me relevais pour m'asseoir difficilement, remettant ma capuche sur ma tête.

“On aurait pu le sauver..”

Même si l'idée m'avait traversé l'esprit, en effet, j'essayais bel et bien de le neutraliser pour qu'il me foute la paix. Et je n'étais pas totalement sûr qu'il ne soit pas une diversion pour permettre à l'assassin d'accomplir sa tâche en toute quiétude. Je n'ai absolument pas réfléchi et ai juste...réagi. Il m'avait certes démasqué, mais ce n'était pas pour autant que je devais lui dévoiler toute ma vie. De la méfiance ? Hum...disons plutôt que j'étais prudent. J'ai bâti le personnage de Karma pour qu'il soit synonyme de conséquences. Des héros comme All Might défendent certes les innocents, mais nous, nous punissons les coupables. Parce qu'au fond, qu'est-ce qui est mieux ? Un monde où les innocents sont protégés mais où les vilains agissent sans conséquences ? Ou un monde où la peur des justiciers et de ce qu'ils pourraient faire aux coupables est telle que personne n'ose commettre le moindre délit ? Je suppose que les deux points de vue sont discutables et qu'il y a un 'juste milieu'. C'est pour ça que je préfère les paralyser à vie plutôt que de les tuer. Pour qu'ils servent d'exemples. Pour que les vilains qui les côtoit voient le résultat de leurs actions. Les conséquences que cela apporte. Et encore, je ne suis pas le plus expéditif. Certains de mes pairs ne se posent même pas la question et décident tout simplement d'abattre froidement la personne. C'est d'ailleurs le cas pour certains chez Crépuscule. Comme nous partageons la même vision des choses (à quelques détails près), je ne dis rien là-dessus. A vrai dire, je m'en contrefous. J'ai ma façon de faire, ils ont la leur. En parlant de Crépuscule, je ne pouvais pas tout simplement lui dire que je travaillais en tandem avec un groupe de vengeurs. Je ne pouvais pas vraiment dire que je faisais parti à part entière de leur groupe, mais ça me plaisait comme ça. Ils me donnent des informations et en échange, je les aide à abattre de larges groupes de vilains. Le deal était plutôt cool, donc pourquoi pas. Mais tout ça, je ne pouvais pas lui dire. Et vu qu'il m'avait emmerdé, le strict minimum était ce dont il alalit devoir se contenter.

“J'ai mes sources. Et tuer n'est pas dans mes habitudes.”

Le jeune héros se relevait et semblait tenir son téléphone en main. Je comprenais rapidement qu'il appelait les autorités. Que faire ? Fuir ? Lui coller un balle en pleine tête ? L'idée me plaisait, mais je peinais à lever mon bras pour le viser. Hum ? Agresser par le criminel ? Est-ce qu'il est en train de me couvrir ? Gratuitement ? Non. Il veut quelque chose. De l'aide sur cette affaire. Hah. Est-il à ce point désespéré pour vouloir qu'un vengeur lui vienne en aide ? Hum...à bien y regarder, lui et moi sommes dans la même situation. La victime est morte et nous ne savons rien sur la suite des évènements mais chacun possède des informations que l'autre n'a pas. Rien qu'avant que tout cela ne commence, Saeko m'avait envoyé les informations sur la victime que j'avais demandé. Et ayant eu un face à face, certes bref mais pas non plus dénué d'informations, avec l'assassin, j'ai pu établir un certain profil le concernant et je possède donc une information de plus. Je trouverais peut-être une réponse en regardant le dossier de la victime, mais ce qui me dérangeait dans cette affaire était le 'Pourquoi'. Peut-être que le jeune héros avait la réponse à cela, pouvant potentiellement nous permettre d'avancer vers les prochaines victimes. On aurait tous les deux à y gagner là-dedans, je le sais. Mais bosser avec un gars qui vous a emmerdé pendant une quinzaine de minutes, faut vouer que ça ferait chier n'importe qui.

“Devenir un héros limite nos actions. Les choses prennent du temps et les cadavres des victimes s'empilent pendant que vous prenez des photos sur des affaires plus 'juteuses' ou que vous tourniez une pub pour je-ne-sais quel shampoing à la con. Peut-être pas toi, étant donné que tu as eu vent de cette affaire. Mais d'autres plus grands héros ne voient dans les crimes que des façons de se faire connaître et ça, je ne peux pas le blairer. J'ai mes façons de faire et je ne compte absolument pas les changer pour entrer dans un système qui ne se contente que d'arrêter les vilains. Non. Pour moi, ils doivent en chier au moins tout autant que les victimes auxquelles ils ont causé du tort. Et concernant le fait que je n'ai rien dit, comment aurais-je pu savoir de mon côté que tu n'étais pas également un vilain ? Ta tronche ne me revient pas du tout quand je regarde la catégorie 'Héros' donc le doute était permis. Sans compter que tu aurais très bien pu mentir. Donc oui, mon but était de te neutraliser, t'immobiliser et de te faire avouer qui tu étais. D'une manière, ou d'une autre.”

Oui. J'insinuais largement la torture, ici. Moi, lui en vouloir ? On a passé ce stade, je pense. Mais essayons de ne pas rester là-dessus. Lui comme moi avions besoin de comprendre et d'établir le profil du tueur pour essayer d'anticiper ses prochaines actions. Ou si il ne prévoyait que de disparaitre, de déterminer son identité pour le retrouver. Après cette salve de ressentiments, j'essayais de me calmer en inspirant et expirant profondément avant de poursuivre.

“Bon. Toi et moi avons un ennemi en commun et avons...que cela nous plaise ou non...besoin des informations de l'autre. Vu que je n'ai pas d'autres idées et que je risque de te retrouver dans mes pattes au fur et à mesure de cette enquête, je suppose que je n'ai pas vraiment d'autres options. A condition que tu me dises ton nom parce que, comme je te le disais, tu n'es pas très connu.”

Vache ? Oui, on peut dire que je le suis, oui. Ce sont les circonstances qui font que je dois m'allier à ce héros dont je ne connais absolument rien. Les informations qu'il détenait, Crépuscule et moi on aurait pu les obtenir. Illégalement et ça aurait été long, certes, mais on aurait pu les avoir. Mais comme il l'a si bien dit, chaque seconde compte, et perdre du temps n'est pas envisageable ici. De plus, si je n'acceptais pas, il m'aurait poursuivi jusqu'à me mettre en prison, me pourrissant la vie au passage. Et je n'étais en aucun cas en condition de fuir rapidement, là. J'entendais déjà au loin les sirènes des autorités se rapprocher de plus en plus. Je remis mon masque et ma capuche pour qu'ils ne puissent pas du tout apercevoir mon visage, même de loin, et recula légèrement pour que personne ne me voit de la rue en bas. Pistolet-grappin en main, j'étais sur le départ. Les échanges d'informations ne se feront pas ici, mais bel et bien ailleurs et plus tard.