Nyarnalotep se baladait dans les étranges ruelles de mustafu.  Pour lui, ces ruelles étaient comme un territoire de chasse, il avait appris à les connaître, à s’en imprégner. Il voyait dans chaque rambarde un moyen de se hisser, dans chaque ruelle étroite un moyen de grimper et sous chaque pont un moyen de se glisser. Les vitrines des magasins étaient devenues pour lui comme un emballage qui ne demandait qu’à être déchiré. Mais aujourd’hui, il profitait du temps clément. De cet air doux et chaud qui caresse la peau et procure une sensation de vie et de bonheur. Son regard plongeait dans le ciel azuré, faisant s'évaporer ses pensées dans des rêveries légères. Oui , Nyarnalotep était de bonne humeur, mais ce qui le rendait de plus grande humeur encore, c’était qu’aujourd’hui se tenait une brocante. Il avançait de part et d’autre des étals. Leur organisation chaotique donnait une impression de trésor caché, dont chaque objet se distinguait et avait l’air plus étrange que le précédent. Nyarnalotep de sa grande stature se penchait sur l’un des étals, son regard brilla d’un feu convoiteur et luisant d’intérêt. Il approcha délicatement sa main sur un des étals et saisit un des objets.

C’était un livre, un de ses livres anciens aux vieilles reliures en cuir, aux angles de coiffes épais , aux nerfs bombés et pulpeux comme des lèvres de jeune femme. Ses chasses étaient arrondies et agréable au toucher. En posant l’index, on pouvait sentir l’entrefile et son toucher semblable à un duvet. Ses feuilles épaisses et rigides  ne se froissaient pas et reflétaient légèrement la lumière par endroits. On pouvait remarquer des mors relativement grands . Mais ce qui marquait plus l’œil, c’était son devant particulièrement soigné sur lequel étaient dessinées de légères arabesques, le tout d’ une teinture dorée se démarquant du rouge profond de sa reliure. L’odeur du livre quant à elle montrait qu’il avait passé divers âges et propriétaires et qu’il regorgeait de souvenirs.

Nyarnalotep le manipula prudemment, feuilletant lentement le livre avec une attention particulière. Il regardait l’ensemble de son contenu et affichait une mine satisfaite et contente. Il le reposa alors et saisit d’autres ouvrages posés à cotés et qui semblaient compléter une collection.  Il montrait un intérêt particulier pour ces créations. Il les acheta après avoir négocié le prix et regarda le reste. Une réplique de planisphère attira rapidement son attention mais il se ravisa et se décida à ne pas tout acheter. Même s’ il pouvait tout bonnement voler ce qui lui plaisait et flanquer une gifle au vendeur avant de partir, il était d’une humeur calme aujourd’hui et s’interdisait ce genre de pratiques.

Il discuta plus en longueur avec le vendeur et chercha à connaître ses produits ainsi que d’autres œuvres qu’il aurait potentiellement stockées ailleurs. Il avait un ton agréable et courtois, il signait ses phrases avec une obligeante politesse et montrait de l’intérêt pour les passions de ce commerçant.
A vrai dire, il passa plusieurs longues minutes à discuter avec lui plutôt que de poursuivre sa marche.

Nyarnalotep était alors en train de discuter avec le marchand quand un individu le bouscula.
Se sentant gêné et déséquilibré, il se tourna furieux vers la personne qui venait de l’énerver.

-Non mais ça va pas ? Qu’est ce qui vous prend de bousculer les gens comme...
Il s’arrêta. Nyarnalotep haussa un sourcil perplexe et examina la personne qu’il avait devant lui.

-Bigre, un caillou qui marche !
Nyarnalotep se caressa lentement le menton l’air pensif. Il était presque sûr que les cailloux ne marchaient pas, et encore plus qu’ils ne bousculaient pas les gens pour prendre un air désolé par la suite.
-Hmmm….. ce doit être une mutation lié à un alter je suppose.
Il repris plus haut :
Quoiqu’il en soit, si vous désirez tant à prendre ces livres, ça ne sert à rien de me pousser je viens de les acheter ! Alors servez vous sur ceux qui restent et cessez d’importuner les honnêtes gens !
Nyarnalotep se demanda si le qualificatif « honnête » était vraiment adéquat. Il était probablement à l’honnêteté ce qu’un ours réveillé avec un maillet était à l’amabilité. Il regarda plus en profondeur l’individu, celui-ci avait l’air juvénile et à son air penaud, il était là pour autre chose. Cependant, il était sous un étrange mutisme. Nyarnalotep cru comprendre alors.

-Je vois… Vu votre air perdu , vous devez être là pour autre chose. Si vous cherchez la gare, elle se trouve dans la rue d’en face.

Nyarnalotep continua de fixer son interlocteur qui restait toujours muet et s’écria.

-Mais parlez bon sang ! je ne vais pas vous manger ! j’ai déjà petit déjeuné ce matin.
Si vous voulez qu’on vous aide, il va falloir que vous puissiez exprimer votre problème. Sinon, nous allons tourner en rond !

Nyarnalotep remarqua alors que l’individu portait sur lui une créature. Il recula d’un pas avec un léger air de dégout.
Il faut avouer qu’il avait tout de l’esprit citadin, il détestait la nature et les autres bestioles. Hormis les chats. Et celle-ci avait tout ce qu’il y a de plus étrange. Autant dire que la bonne entente était mal partie.

Nyarnalotep regardait l’individu qui ne semblait pas pouvoir répondre et effectuait de drôle de signes.

Quelle genre de sorcellerie est-il en train d’effectuer ?
pensait nyarnalotep.
Serait-il complètement muet ? Ce serait bien ennuyeux pour entamer une discussion. continua t il dans ses pensées.


L’individu ne semblait pas vouloir engager une discussion. Même s’il faut avouer que le tempérament de nyarnalotep n’aidait pas vraiment. Ce qui finit par dissuader nyarnalotep de toute tentative de discussion. Il récupéra ses livres les callant sous son bras gauche et en les serrant avec force. Il observa le ciel, persuadé d’avoir encore un peu de temps et décida de se balader. Alors qu’il avait fait 8 mètres ,un homme s’approcha de lui, son veston semblait ouvert, probablement parce que celui-ci avait trop chaud. Nyarnalotep ne put résister. Son œil se rua sur la veste et repéra immédiatement le portefeuille. Pas le temps pour la subtilité ! La main de Nyarnalotep fila à toute allure dans la veste de l’individu et extirpa brutalement le portefeuille. S’engagea alors ce que nyarnalotep maîtrisait le mieux : la course ! Visiblement fan de dessins animés de son enfance, il tira la langue à l’infortuné avant de sprinter pour filer hors de sa portée. Nyarnalotep commença à s’engouffrer dans plusieurs ruelles. Puis, il remarqua une ligne de trains urbains, il commença à s’engager sur la voie ferrée avec l’allure athlétique qui le caractérise, élançant ses longes jambes à travers un parcours effréné. Son sang pulsait de nouveau dans ses veines, il se sentait vivre, il sentait chaque picotement dans ses muscles. Cela lui donnait une énergie et une euphorie qu’il avait rarement atteinte. Il continua avec ardeur et à bout de souffle jusqu’à un pont. De là, il reprit son souffle. Il sentait l’air racler le fond de son dos et une étrange sensation de lourdeur qui caressait ses poumons et son thorax. Mais il ne s’arrêta pas pour autant… il regarda autour de lui. La voie ferrée était à plusieurs dizaines de mètres du sol. Nyarnalotep pesa le pour et le contre. Il faut avouer que cette fuite était tentante, mais il n’avait jamais essayé d’aussi haut. Il hésitait grandement face au risque de chute. Il se retourna une dernière fois pour vérifier s’il était poursuivi.

Nyarnalotep se tourna. Koji était face à lui, tentant de se dresser tel une montagne pour l’arrêter. Nyarnalotep le fixa, ses yeux étaient remplis d’une impassibilité stoïque. Il se tenait désormais droit, sa longue bure flottait légèrement au vent. Il posait un regard inquisiteur sur celui qui tentait de stopper sa fuite.

« Pas un pas de plus tu dis ? Et de quel droit te mets-tu en travers de mon chemin à nouveau ?
De quel titre ? De quel rang peux-tu avoir cette assurance ?
Toi, dont le visage de pierre ne semble pas être marqué de l’emet ?
Tu te dresses comme un héros, tu as le regard d’un héros, mais ta langue tremble !
Ta conviction semble ébranlée par quelque chose… Ta tour tremble sous les secousses du doute.
Es-tu héros par conviction ? ou par nécessité ? Crains tu de te mettre en danger ? Crains tu de devoir asséner la mort et de voir tes mains tachées des responsabilités que tu t’es infligé ?
Ton cœur frémit-t-il d’avoir la marque rouge de tes actes sur ton corps ?
Ou peut être doutes tu de la légitimité de tes actes ?
Autant de questions dont j’aimerais avoir la réponse, mais dont tu dois toi même ignorer la finalité. »


Il le regardait avec un regard impassible. Un début de chaîne apparaissait sous sa manche,  et tremblait, s’agitait de manière frénétique comme un chien qui tenterait de forcer avec rage la corde qui le retient de bondir sur sa proie. Mais nyarnalotep contenait son inconscient… cette petite part de lui qui lui hurlait d’attaquer, de frapper la personne en face de lui sans aucune autre motivation que la colère. Mais nyarnalotep pour une fois tenait bon, il préférait écouter la voix rationnelle qui lui dictait de tempérer et d’observer avant d’agir. Connaître pour mieux lutter. Nyarnalotep fit taire les bêtes qui aboyaient dans son cœur, pour éviter qu’ils ne le tiennent en laisse. Son regard passa derrière lui et fixa la rambarde du pont. Il avait toujours une option, mais il devait s’avérer précis et rapide dans ses gestes s’il voulait la choisir. Il se retourna une dernière fois vers la personne qui s’interposait et attendit sa réponse.

L’individu regardait Koji enfin lui parler. Ses lèvres esquissèrent un large sourire à sa réponse, comme si c’était celle-ci qu’il attendait. Il haussa un sourcil étendit longuement les bras avec euphorie et s’exclama :

-Exactement, Il faut commencer. Vous trouvez visiblement votre voie, mais voilà, puisqu’il vous faut suivre vos desseins devenir un héros, je me dois de suivre le mien, chacun sa fatalité. Je ne crains de ne pas pouvoir coopérer, ce serait renoncer à l’avidité qui me définit, on ne peut se soustraire à soi-même.
Ses yeux pétillèrent d’un regard mauvais. Sa chaine s’agita soudainement, pris d’une frénésie soudaine, elle s’élongea d’un coup, fouettant l’air avec agressivité dans un mouvement circulaire depuis Nyarnalotep. Celui-ci n’attaquait pas directement Koji mais tentait de le tenir en respect afin qu’il ne tente pas de s’approcher.  Nyarnalotep créa une seconde chaîne qui vint s’enrouler autour de son propre bras. Il commença à poser la suite de son plan.
La chaîne autour de son bras se déplia et fila vers la rambarde, elle s’enroula autour d’une barre métallique et se serra sur elle-même. Elle s’allongea par ailleurs de 5 mètres .Nyarnalotep fit un saut et monta sur la rambarde, se mit debout face à koji, plaqua ses bras contre son thorax en signe de croix. Puis, lui adressa alors un

-Mais puisque vous êtes visiblement en bonne voie pour devenir un exemple pour la société, je vous propose de passer à l’étape supérieure. Car si vous voulez à ce point être un héros, il faudra me poursuivre jusqu’en enfer !

Et il sauta, sa chaîne principale toujours reliée à son bras. il s’accrocha à son foie et à ses tripes, l’air lui fouettait le visage alors qu’il prenait de la vitesse. La chaîne créa alors un mouvement de rotation pendulaire qui permit d’atténuer l’effet de chute et d'assimiler l’énergie mécanique progressivement. Et alors que le balancement était sur le point de le faire remonter il commença à rallonger sa chaîne afin de commencer à descendre davantage pour atteindre les derniers mètres qui lui restait. Mais alors qu’il était aux derniers mètres, une voiture qui roulait sous le pont lui passa au ras de ses jambes et lui fit une méchante éraflure. Nyarnalotep changea aussitôt sa trajectoire pour atterrir plus loin sur le bas-côté. Il se redressa sur ses jambes, il était en sueur mais il avait réussi .Sa chaîne se relâcha aussitôt et se défit d’elle-même pour venir retomber au sol, il la rétracta d’un coup. Puis…  il regarda à gauche et à droite et repartit pour échapper à son poursuivant.

Nyarnalotep traçait depuis un certain temps avant de voir un point lointain chuter depuis le pont. Il soupira.
-Il n’a quand même pas fait ça ?? Il est complètement fêlé !
Mais quand il vit l’énorme masse de points noirs entourer celui-ci, il comprit vite qu’il n’allait pas étaler l’entièreté de ses organes sur le sol et que, en conséquence, il y avait de fortes chances pour qu’il continue de lui coller aux basques. Il poursuivit donc sa course. Son poursuivant était tenace, très tenace, il fallait trouver un moyen de s’en débarrasser à un moment ou un autre. Les idées se bousculaient chez nyarnalotep

-Il avait un physique minéral. Il est donc probable qu’il ait une très forte densité. En conséquence, il doit flotter très mal et facilement s’embourber. Le courser à travers un milieu aquatique ou marécageux serait donc une bonne idée. Ceci dit… je ne tomberais peut-être pas sur une rivière aussi facilement que ça… et encore moins un marécage ou un milieu boueux en ville. Une rivière… où pourrait donc se trouver une rivière… Il me faut un poste d’observation !

il regarda autour de lui. Il utilisa son alter pour se hisser jusqu’à un toît… Il remarqua que les oiseaux le regardaient étrangement. Il secoua sa tête en se disant qu’il commençait à devenir paranoïaque. Il se leva et déplia les bras. Il huma un instant le vent qui le parcourait et qui lui donnait la sensation de voler, voler au-dessus des toîts et au-dessus de toute ces petites choses, de ces petits humains qui se baladaient à l’intérieur. Comme s’il était transporté au dessus de tout ça. Puis, il finit par regarder autour de lui. Aucune rivière à proximité, mais une idée formidable, tandis qu’il fixait des yeux une voie  semi-rapide.
Il accrocha sa chaîne à une série de poteaux et de rambardes et se balança au fur et à mesure tout en optimisant sa vitesse par un gracieux mouvement de corps. Il se délesta de sa chaîne et la fit retomber au sol. Puis, elle s’enroula autour d’elle-même, laissant un nœud coulant très TRES large.

Il attendit, il avait de l’avance, et il fallait l’utiliser à bon escient. Il commença à fixer un poids lourd qui s’approchait à une vitesse rapide mais modérée. Il commença à faire tournoyer sa chaîne avec élan. Elle prit de la vitesse, de plus en plus de vitesse, puis, elle s’élança ! La chaîne s’enfila contre le conteneur du poids lourd. Nyarnalotep fut propulsé en avant. Il raccourcit la chaîne du coté de sa main aussi rapidement que possible pour ne pas toucher trop le sol. Malgré tout, il fit un rebond douloureux au niveau du pied. Mais il s’accrocha. Il remonta péniblement jusqu’à arriver contre le conteneur. Il laissa sa chaîne l’enserrer au niveau de la taille pour bien le maintenir. Il réfléchit alors.

-Bien.. il n’y a aucun moyen de savoir jusqu’où ce camion peut aller. Ceci dit, il est fort probable que je parcoure quelques kilomètres avant de m’arrêter, le point positif, c’est que j’aurais sans doute perdu le gravas qui me sert de poursuivant. Et s’il me retrouve quand même… eh bien… au moins j’aurais une avance pour pouvoir me planquer. Me planquer… où d’ailleurs ? dans une ferme ? non… ce serait trop évident … dans les égouts ? nan… je suis sûr qu’il va y penser… Où est ce qu’un rat en cavale n’irait jamais ?... Mais oui ! Dansun hotel de luxe ! Bon.. ça va me coûter ignoblement cher, mais il ne pensera jamais  à chercher dans un hôtel réputé et pour personnes aisées. Bon… eh bien, au moins ce sera une bonne nuit que je passerais.

Nyarnalotep attendit que le poids lourd se soit un peu éloigné et ralentisse pour sauter hors de celui-ci. Il commença à chercher dans la région chic du centre commercial pour chercher un hotel de luxe, il farfouilla quelques instants avant d’en trouver un. Il prit une chambre en versant intégralement la somme en liquide, il valait mieux ne pas être retraçable. Nyarnalotep monta alors les longs escaliers jusqu’à arriver dans sa chambre. Il grommelait en pensant à cette quantité folle d’argent qu’il avait dépensée. Même s’il avait récupéré un portefeuille , c’était loin de couvrir ses dépenses.

-Il faudra que je trouve quelqu’un pour convertir les cartes de crédit que j’ ai trouvées, sinon, je vais avoir un énorme trou dans mes finances. Bah ! Ne pensons plus à ça.

Il poussa la large porte et rentra dans sa chambre. Elle était à la hauteur de ses dépenses, faste, somptueuse, confortable et resplendissante, il décida de se faire couler un bain et se laissa lentement glisser dans sa baignoire parfumée.

-Quitte à dépenser de l’argent, autant en profiter. Ceci dit, je prie pour que l’énergumène ne me retrouve pas.
Il se laissa vaquer à sa relaxation