Il y a un moment que l'heure du dîner vient de passer. Cinq heures arrive rapidement. Le temps est plutôt ennuagé, mais j'ai eu suffisamment de temps pour gonfler ma batterie à bloc. Je ne sors que rarement en public si je ne suis pas à mon meilleur sinon je me retrouverais en désavantage flagrant. De quel genre d'homme j'aurais l'air si je n'aurais pas accès à mon alter comme tout le monde? Les gens me connaissent encore très peu. Je n'ai pas encore fait ma place sur le babillard de la police, mais ce jour viendra. Non, ce n'est pas exactement cela que je recherche. Mon but est tout autre et pourtant, je sais que je ressentirai une fierté si mon visage viendrait à peindre les murs de personnes recherchées pour crimes graves. Non, je n'ai pas besoin de ça non plus, c'est seulement un petit bonus que la vie vous accorde de temps à autres.
Je suis debout au centre d'un trottoir bien passant. Je ne bronche pas. Mon masque couvre mon visage pour cacher mon identité. Certains évitent ce côté de la rue parce que mon masque les effraie ou parce qu'ils s'attendent à ce qu'une bagarre éclate. Certains enfants trop naifs font référence à moi comme étant un héros. Je souris intérieurement. Oui, je suis un héros en quelques sortes de purger ce monde des plus faibles qui se croient les plus forts. Comme beaucoup de vilains, j'en ai vu de toutes les couleurs. C'est le monde qui m'a transformé et qui a fait de moi qui je suis aujourd'hui. Si la cruauté n'existerait pas, je serais probablement moi aussi un simple travailleur de bureau qui gagne son pain de façon honnête et juste. Si j'avais eu des parents exemplaires, peut-être aussi que je n'aurais pas autant de rage intérieure qui me ronge constamment, ne demandant qu'à sortir sous forme violente et sans pitié.
Puis, je le vois. Je me souviens de lui. Il y a de ça vingt-cinq ans, il m'avait provoqué et il trouvait ça drôle. Je pleurais, j'étais qu'un gamin qui voulait être comme les autres, qui voulait un ami comme les autres, qui voulait faire sa place parmi des enfants... sauf que malgré leur innocence, les enfants sont cruels et impitoyables. Ils ne pensent pas aux conséquences et tout ce qui marche en leur faveur les fait rire. Il m'a rué de coups parce qu'il trouvait ça drôle de me voir pleurer, il riait parce qu'il avait de l'influence. Les jeunes autour prenaient leur place au jeu jusqu'à ce que finalement un adulte intervienne et me blâme de les avoir provoqué. Saleté de sans-alter. Ils ont tellement peur de ceux qui en ont qu'ils n'utilisent plus ce qui leur sert de cerveau.
Un jeune homme semble vouloir attirer mon attention en tentant de me faire la conversation, mais je l'ignore complètement. Ma cible passe près de moi. Je me retourne et avance pour le suivre avec une très courte distance. Il le remarque et ça l'énerve. Il se retourne pour me proférer des menaces, mais je l'attrape par le collet et je l'amène entre deux maisons où l'espace est restreint et où les gens ne penseront pas à regarder lorsqu'ils marchent sur le trottoir tout près. Le dos appuyé contre le mur de la maison, mes mains s'enroulent autour de son cou et je serre de toutes mes forces. Il manque d'oxygène et bientôt, j'aurai assouvi une petite partie de cette vengeance personnelle.
« Comment se sent-on maintenant qu'on n'a pas le dessus? »
La ronde se passait comme prévue. Suite à une discussion assez animée avec son chef d'agence, Boston avait pu négocier d'aller assister un autre héros dans le centre-ville. l ne se faisait pas d'illusion: ce n'était pas en faisant le tour des pâtés de maison de petites villes de campagne qu'il deviendrait un héros populaire auprès des foules.
La tête dans les nuages, porté par les cris oniriques de ces admiratrices et de ces admirateurs imaginaires, le jeune homme parcourait les rues de Muustafu un sourire aux lèvres. Le héros professionnel qu'il secondait lui avait demandé de couvrir une zone calme et apparemment sans danger qu'il avait pour habitude de laisser à son apprenti aujourd'hui en congé maladie. Par mesure de sécurité et face à la recrudescence de petits méfaits, il ne voulait cependant pas laisser ce quartier livré à lui même. En somme, le travail était plutôt simple: rouler des mécaniques, sourire et saluer la population pour les rassurer et rentrer au bercail aussitôt. Une mission taillée à sa mesure !
Il salua d'un clin d'oeil charmeur une bande d'étudiante qui s'éloignait en rougissant tout en se mettant à siffloter. Le temps était doux, il aurait bien du mal à retourner dans sa bourgade perdue après ça. Mais sa détente fut de courte durée, un jeune homme à l'air affolé se précipita vers lui, tout essouflé.
-Un... un.. il a.. un masque.. et.. dans la ruelle.. je... pas l'arrêter.
Pris de court, Iceberg s'empressa de tendre au jeune homme une bouteille d'eau qu'il tirait de sa besace pendant sur sa hanche. Mais le nouveau venu le repoussa et reprenant son souffle, il expliqua plus clairement la situation. Alors qu'il avait pris un homme pour un héros en patrouille, celui-ci l'avait repoussé et avait pris en chasse un passant. Pris d'un doute, il avait décidé de le suivre mais il ne s'était écoulé que quelques instants pour qu'ils comprennent que ces intentions étaient loins d'être bien intentionné. Il avait ensuite aperçu Iceberg au loin et l'avait rejoint.
Sa longue cape à fourrure claqua bruyamment quand le jeune héros s'élança dans la direction indiquée. Merde, merde, merde, merde... Il dévala la rue en courant, cherchant à tatons le bipeur que lui avait confié le héro qu'il secondait aujourd'hui. Pas le temps pour le bipeur, il était déjà là. Et le tableau qu'il découvrit n'avait rien de rassurant. Un individu masqué et sa victime, visiblement sur le point de perdre connaissance.
Je doute qu'il puisse te répondre... Pourquoi ne pas venir me poser la question plutôt ?
Du temps, il fallait gagner du temps, assez pour reprendre son souffle et espérer détourner l'attention du civil. Il espérait secrètement qu'il ne s'agissait que d'un simple règlement de compte mais le port de ce masque curieux ne laissait rien augurer de bon. Le bras à l'abri sous sa cape, il réussit enfin à mettre la main sur le bipeur. Aurait-il le temps de faire appel aux autres héros ?
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Pas de réponse, pas de réaction comme je l'aurais souhaité. D'ailleurs, il n'a aucune idée de qui est en train de l'étrangler. C'est mieux comme ça. Le mystère permet de discerner plus d'émotions chez l'autre. S'il m'avait reconnu, il aurait peut-être souri et il aurait su sur-le-champ que c'était un règlement de compte et que je lui tiens rigueur depuis une vingtaine d'années. Je ne veux pas voir sa personnalité fendante et provocatrice. Je veux voir l'humain souffrir, s'effrayer devant l'inconnu et qu'il voit sa vie défiler devant lui. Sous ces images cinématographiques, je veux qu'il se souvienne de son passé et qu'il se rende compte de ce qu'il a fait qui aurait pu causer du tort à qui que ce soit. Je sais que je ne suis probablement pas sa seule victime. Un bourreau n'a pas qu'une victime, il les accumule les unes après les autres sans se soucier des conséquences. Sauf que la différence entre un véritable bourreau et lui, c'est que lui n'a pas le droit de détruire des vies.
Une voix m'interpelle. Elle est masculine et inconnue. Sa phrase est le cliché parfait pour tenter de détourner mon attention de ma victime. C'est une phrase qui pousserait n'importe qui à se retourner pour créer une ouverture. Sauf que je ne suis pas là pour parler... même si j'ai posé une question sans même m'attendre à une quelconque réponse. Dans mon plan, j'ai mal évalué toutes les possibilités pour me permettre de réussir sans être dérangé. J'ai été emporté par mon focus et j'ai poussé un individu qui a soudainement eu un intérêt pour ma présence et qui a tourné mon plan contre moi. Quand on y pense bien, il s'agit-là d'un quartier résidentiel. Bien que la foule de travailleurs n'est pas aussi nombreuse que celle de quartiers industriels, les fenêtres sont partout. Les espions peuvent regarder de n'importe quelle direction. Mais l'impulsion était si grande que je n'ai pas pu remettre à plus tard ce que j'avais en tête.
Le visage de ma victime est devenu bleu. Ses yeux sont tirés vers son cerveau e l'écume lui coule de la bouche. Il vient de perdre connaissance. Bien, il ne pourra pas s'enfuir le temps que je m'occupe de celui qui vient m'interrompre. Mon emprise sur la gorge se relâche d'un coup sec et le corps s'effondre au sol comme une roche. Ma tête se tourne vers l'interlocuteur avec lenteur pour que je puisse le regarder de mes deux yeux. Je constate son accoutrement : un héros. Celui-là est habillé comme si nous nous retrouvions au Pôle Nord. Son col de fourrure garde son cou au chaud, ses bottes empêcheraient n'importe quel obstacle du sol de s'enfouir dans ses bottes et sa cape... me paraît un peu trop typique d'un héros. Mais après tout, c'est la recette gagnante pour eux à se faire remarquer, pas vrai? Si mon masque avait été moins effrayant et que j'aurais porté la cape, peut-être qu'on m'aurait aussi pris pour un héros, mais ça aurait été de mentir sur qui je suis et ça, ça va à l'encontre de mes principes.
« Alors... Comment se sent-on maintenant qu'on n'a pas le dessus? »
Je lui pose alors la question. Bien qu'il n'y avait pas de raison de le faire pour la situation dans laquelle on se retrouve, il l'avait demandé. Je constate alors un peu plus son physique : pas musclé plus qu'un autre, ses cheveux bouclés verts le distinguent de n'importe qui, ses taches de rousseur représentent un gène récessif dont il a reçu à la naissance, et le reste? Son visage est beaucoup trop amical pour la situation dans laquelle il se trouve en ce moment.
« Partez, laissez-moi lui rendre la monnaie de sa pièce et vous ne me reverrez plus. »
Est-ce que ce héros veut être complice? Ou veut-il acquérir une gloire absurde?
Le quartier était loin d'être une zone "à risque", bruyante, populaire, marchande, animée, familiale. Pas vraiment le genre à être prise pour cible par un vilain esseulé et foncer dans le tas pourrait lui coûter sa place si il appréhendait mal la situation. Certes, les règlements de compte ou petites bagarres de rue tombaient sous la juridiction des policiers plus que des héros mais après tout, maintenir le calme faisait partie du job. Un frisson remonta le long de sa colonne: quel genre de poivrot aurait pris la peine de couvrir son visage d'un masque aussi macabre ? Il était quasi sûr qu'il ne s'agissait pas d'une simple bagarre. D'une main tatonnante, il appuya fébrilement sur les touches du bipeur qu'il fourra ensuite le plus doucement possible dans sa poche, espérant qu'il était parvenu à signaler sa situation à son supérieur à l'aveuglette.
La victime tomba au sol dans un bruit sourd et lourd feutré par ses vêtements. Etait-il mort ? Si son cou avait été endommagé, il devait être mis en sécurité au plus vite. Son état était plus que préoccupant et toute l'attention du héros se concentrait pour évaluer les chances de survie de cette victime. C'était un homme de bureau tout ce qu'il y a de plus banal. Peut être un problème de dette, de jeu, de femme ? Soudain, sa réflexion fut interrompue par la voix caverneuse qui résonne sous ce masque. Bien joué, je suis tombé sur un clown. D'un pas assuré et sans montrer la moindre hostilité envers l'homme, le jeune héros fit bruisser sa cape le long des dalles pavant la ruelle en direction de la victime, encore inconsciente, prenant mille précautions pour éviter de croiser le regard sans vie du moulage qui ornait le visage de son opposant. Sans se démonter, Iceberg haussa alors les épaules et s'arrêta à une distance respectueuse, appuyant sa réponse d'un sourire affable.
Oh, vous savez, c'est comme une seconde nature pour moi. Je peux ?
Sans se décontenancer, le jeune homme amorça un mouvement lent et calme en direction de l'inconscient qui gisait sur le sol. Mais son mouvement fut arrêté net par la proposition de l'homme masqué dont l'écho rebondit sur les murs de la ruelle vide comme l'éclat d'une gifle bien sentie. Tourner les talons, rentrer à la maison, fermer les yeux... Après tout, il n'était qu'un side kick. On lui trouverait des excuses, une erreur de timming, des débuts maladroits.
Malheureusement, c'était un choix que l'homme derrière le costume de héros avait fait en se lançant dans cette carrière. Ne plus détourner le regard. Mais il n'allait pas foncer aveuglément dans le tas pour autant. Il n'était pas de ses abrutis en collants qui se lançaient dans des bagarres pour un oui ou pour un non. Avec un regard qui ne laissait aucun doute sur sa détermination à ne pas quitter cette ruelle, il planta son regard noisette en direction des deux trous sombres qui brillaient d'une couleur rubis singulière.
La monnaie de sa pièce ?
Dans un geste tout en douceur pour ne pas brusquer son interlocuteur, il tira de sa poche la paire de menottes réglementaire pour les interventions.
Tu en as de la chance, Iceberg, héros, pour te servir ! Ce type te cherche des noises ? Tu m'as déjà donné un sacré coup de pouce pour l'embarquer !
Du temps, il lui fallait du temps. Le temps pour les héros pro de rappliquer si la situation tournait au vinaigre, le temps de permettre à la victime de reprendre connaissance, le temps d'en apprendre plus sur son potentiel adversaire. Il avait désormais totalement écarté l'hypothèse d'une simple bagarre: qui prend le temps de s'habiller et se masquer lorsqu'on le provoque ? Ce n'était clairement pas une tenue typique de ce quartier. Il était donc venu ici avec une intention dont on pouvait deviner à ses actes qu'elle n'avait rien de pacifiste. Alors pourquoi lui ? Etait-il face à un chasseur de primes ? A un assassin professionnel ? Un membre d'une organisation maffieuse ? Un psychopathe qui se prenait pour un vengeur ? Iceberg regretta amèrement le temps des longs monologues de méchants qui prenaient plusieurs longues minutes afin d'expliquer les tenants et les aboutissants de leur volonté machiavélique. Avec un peu de chance, il tomberait sur un bavard qui lui expliquerait pourquoi il s'était jeté à la gorge d'un simple employé de bureau. Pour l'instant, il donnait le change en arborant son fameux sourire confiant et en faisant tourner distraitement le bracelet de métal autour de son index, sans montrer le moindre signe d'hostilité.
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Sa réponse me fait froncer des sourcils derrière mon masque. Ne pas avoir le dessus serait une deuxième nature pour lui? Qu'est-ce qu'il sous-entend par-là? Est-ce là une opportunité pour lui de faire le clown pendant qu'il en a l'occasion ou bien est-ce un indice sur sa personne? Est-ce une chance pour lui de me faire croire à ses balivernes pour que je le sous-estime? Je ne sais pas quoi penser. Dans ces cas-là, l'ignorance est la meilleure des défenses. Il vaut mieux se fier à son instinct qu'écouter son adversaire jacasser sur ses propres facultés et se voir surpris et défait parce qu'on aura écouté alors qu'il aurait été plus sage de ne pas le faire. Le jeune homme aux cheveux verts s'est avancé sans même se soucier s'il y avait un piège sous ses pieds ou si j'allais prendre le corps en otage. Il offre effectivement beaucoup d'opportunités il s'agit de savoir bien la saisir.
J'ai vu son élan subtil se diriger vers le corps jusqu'à ce que je l'interrompe avec ma phrase. Il tente de sauver l'homme que j'ai étranglé sous mon nez. Il a probablement un plan en tête mais je ne le laisserai pas faire. Cet homme est ma cible et personne ne me l'enlèvera, pas même un homme avec une tête de chou. Lentement, il tire de sa poche des menottes comme un magicien qui sort un foulard de sa manche. Il se présente comme étant Iceberg, un héros au service du peuple. Un utilisateur de l'élément de glace? Habillé comme il est ça ferait du sens. Mon pied frotte subtilement le sol pour m'assurer qu'il n'est pas devenu soudainement glissant avec l'apparition de ce nouveau personnage dans les parages. L'asphalte est toujours de l'asphalte. Toujours bouillant sous le soleil, rien ne présage l'utilisation de la glace. Même l'air ambiant est resté le même. Aucune brise fraîche, aucun flocon ne trahissent la ruelle.
« Arrêtez. La justice policière n'équivaut en rien ce que je lui réserve. »
Je fais un pas vers le corps et j'appuie la semelle de mon soulier contre la gorge de l'homme étendu au sol qui commence lentement à reprendre des couleurs un peu plus vivantes. Je le vois qu'il tente par tous les moyens de se rapprocher. Est-ce là son point fort : le corps-à-corps? En étant le plus près de son adversaire possible, il se situerait avantageusement en combat. Je vais devoir faire attention à cela. C'est pourquoi je tente de me donner une marge de manoeuvre en tenant l'homme en otage en quelques sortes. Normalement les héros tentent de tirer avantage des situations pour sauver les gens, alors je décide de contrer cette tangente avec ma propre tactique.
« Je voulais prendre mon temps pour en finir, mais si je me sens pressé, je pourrais être contraint d'asséner un coup fatal... vous voyez ce que je veux dire? »
Je mets un peu plus de poids sur ma jambe pour que la peau du cou plisse sous mon soulier. J'aurais aimé prendre mon temps, sentir la vie quitter peu à peu le corps de ma victime. Cependant, si je le tue rapidement, je vais me priver de ce bonheur et il y aura probablement des dommages collatéraux par la suite. Le bruit des menottes qui tournent autour de son doigt m'agace. Mais je suis de bonne humeur aujourd'hui, je lui laisse une chance de s'en sortir sain et sauf. Par contre s'il me pousse au bout de mes limites, le carnage pourrait être plus grand que ce qui était prévu à la base.
« Partez et amenez les curieux avec vous. C'est mon dernier avertissement. »
Raté. Son intuition était bonne mais le jeune héros aurait alors tout donné pour avoir tort à cet instant précis, ce qui était bien loin de ses habitudes. Il ne s'agissait pas d'une simple bagarre de rue mais bien d'un règlement de compte. Cet homme avait la haine et pas la moindre envie de lâcher prise. Ce n'était donc ni une cible au hasard, ni un acte de subalterne suivant des ordres. D'un côté, c'était plutôt une bonne nouvelle de savoir que l'homme masqué travaillait seule et le vert mis de côté la possibilité qu'un quelconque allié ne le rejoigne, contrairement à lui qui tentait de gagner du temps pour laisser aux renforts le temps de le retrouver, son opposant cherchait lui à expédier l'affaire au plus vite.
Quelque chose dans son attitude indiquait pourtant un certain goût du jeu, comme un chat avec sa proie. Et le héros qui venait de briser sa tranquilité n'était désormais qu'un jeu de plus avec lequel se divertir comme en témoignait le fait qu'il n'avait pas encore mis fin aux jours de la victime. Une nouvelle certitude vit le jour sous ses yeux noisettes: pour le moment, il était l'unique rempart entre la vie et la mort pour ce modeste employé de bureau dont la peau délicate ne supporterait pas longtemps la pression de ce poids étranger.
Avec un soupir Boston dût se résoudre à interrompre le chuitement du constant frottement de ses menottes contre son doigt. Visiblement, ils étaient aussi déterminé l'un que l'autre, lui à mettre en sécurité et à interroger l'homme à terre et l'autre, pour profiter du plaisir de le tuer. Décidément, cette simple patrouille de routine lui jouait de sacrés tours.
D'un geste vif amplifié par les mouvements de sa cape, le héros lança ses menottes droit en direction du masque. Il espérait que la surprise d'un projectile en direction des deux yeux rouges provoquerait chez l'homme un réflexe de protection qui accaparerait son attention assez longtemps pour plonger en direction de la victime.
Sans plus attendre, il bouscula lourdement le mollet de son adversaire et se contenta de faire barrage de son dos pour bloquer l'accès à son adversaire. L'otage lui donnait trop de pouvoir et l'alter de Boston ne lui donnerait d'avantage qu'en situation de bouclier. Il aurait souhaité pouvoir bondir au plus vite hors d'atteinte de la menace mais la vitesse de son adversaire et le poids mort que représentait le civil coupèrent son élan.
De dos, à découvert, il ne semblait pas prêter grande attention à sa propre sécurité. Sa vitesse avait surtout été guidée par l'effet de surprise et l'élan donné par son saut en avant mais la force du coup qu'il avait mis contre la jambe de son adversaire n'avait rien de surhumaine.
Etait-il complétement inconscient ?
-Désolé mais celui-ci rentre avec moi...
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Décidément, mon agacement face aux menottes qui tournent contre le doigt du héros a pris le dessus. Mon regard semble être plongé dans une hypnose quasi complète de laquelle je n'arrive pas à sortir. Inconsciemment, le poids contre la gorge de ma victime diminue et j'ai l'impression de flotter quelques instants. Qu'est-ce qui m'arrive? Ah oui, le lunatisme. Malgré moi, je perds toute notion de ce qui se trouve autour de moi ou de ce que je ressens. C'est un sentiment qu'on ne détecte pas instantanément. Il y a de nombreuses secondes dans lesquelles on se retrouve piégés par le lunatisme. Le monde extérieur le remarque, mais pour nous c'est impossible de s'en rendre compte dans l'immédiat. Peut-être que c'est cela qu'il a détecté? Probablement. Il a profité d'un moment de distraction pour passer dans l'action et c'est à cause de cela que je perds ma longueur d'avance.
Les menottes se retrouvent projetées sur mon visage. À quelques centimètres de leur destination, je sursaute et je ferme les yeux. Mon corps réagit par lui-même. Ma conscience poursuit la réaction en amenant la main devant mes yeux, mon nez et ma bouche pour me protéger d'une quelconque blessure. C'est dingue tout de même comment les réflexes fonctionnent. Mettez la main au feu et votre premier réflexe sera de la retirer, faites-vous arroser avec de l'eau sur le visage et vos yeux cligneront. Le réflexe ne s'arrête pas là car il est souvent accompagné d'un sursaut puisqu'on passe d'un état à l'autre sans que nos nerfs soient prêts à recevoir une telle attaque. C'est en quelques sortes ce qui m'est arrivé. Si j'avais été attentif, peut-être que j'aurais eu une chance de plus de m'en sortir. Sauf que je m'écroule totalement de mon trône sans pouvoir me retenir au dossier ou aux bras.
Le coup au mollet a aussi eu un effet escompté de la part du héros. Mon pied appuyé contre la gorge se voit glisser le long de la peau du corps étendu au sol. Je perds l'équilibre pendant une fraction de secondes, totalement surpris par la chaîne des événements. La cape voile quasiment tous les horizons de ma vue et mon réflexe se poursuit. Pour éviter de tomber, mon bras gauche attrape la cape encore en vol et s'enroule autour de celle-ci. En tirant dessus, je réussi à retrouver mes sens et à constater le résultat de mon lunatisme: une seconde victime semble s'ajouter à ma liste de la journée. Bien que ma première reprend peu à peu ses sens, la seconde se voit coincée avec moi. Bien qu'il tente de protéger la première, il se retrouve dans de sales draps.
« Je crains que ce soit toi qui rentre avec lui. »
Ma main qui s'est agrippée à sa cape atteint son collet et je tire vers l'arrière pour le déséquilibrer et l'éloigner du bureaucrate. Je me sers de cette bascule pour envoyer le dessous de mon pied en direction de son visage. Après l'avoir sonné ou du moins lui avoir fait des dégâts, mon autre main vient agripper son collet et je fais passer son corps par-dessus le mien pour l'éloigner de l'homme au sol et de lui faire une bonne frousse. Ma main se défait ensuite de la cape et je défais mon foulard rapidement juste au cas où l'idée d'utiliser mes vêtements contre moi-même lui frôlerait l'esprit. Après ma contre-attaque, je me mets en position de combat, mais cette fois j'ai toute ma concentration. Aucun bruit dans les parages ne semble perturber mon esprit.
« Tu feras malheureusement partie de ma liste. »
J'envoie l'énergie solaire dans ma jambe droite pour multiplier ma puissance de frappe et je l'envoie contre mon adversaire.
Comme il s'en doutait, la surprise ne suffirait pas pour dégager complétement l'homme inconscient du danger. Son poids, trop lourd à porter pour le héros au bandeau, rend impossible une fuite en direction de la rue attenante. De plus, les quelques bribes du discours de l'homme masqué ne donnait aucune envie au héros de l'entrainer en direction de la foule et un instinct glaçant le sursurrait que si l'homme était capable de s'en prendre directement à un héros, attaquer un autre curieux ne lui poserait pas plus de problème.
Un détail cependant, laissa une autre idée germer dans l'esprit du jeune homme. La double précaution du masque et de la ruelle sombre suggérait en effet que ce criminel n'espérait pas trouver de public. Le risque était grand, trop grand pour Icerberg qui préféra repousser ce plan dans les tréfonds de son esprit: démasquer l'homme en pleine rue aurait pu le pousser à fuir mais une erreur de sa part et tous les passants deviendraient des victimes potentielles.
Avant même d'avoir pu trouver une solution de secours, un coup sec et puissant tira le vert en arrière, freiné seulement dans son élan par le choc violent d'un coup de pied en direction de son visage. Un flot de sang jaillit au niveau de son nez alors qu'un hématome fleurissait déjà par dessus ses tâches de rousseur. Soulevé dans les airs, le jeune atterit, une mètre plus loin contre le mur adjacent.
Prestement, mais ne pouvant cacher un léger chancelement dans ses pas, l'homme à la cape se releva. Curieusement, il n'avait pas cherché à esquiver le coup précédent, ni même à se protéger le visage. Son attitude nonchalante, elle, demeurait intacte: le sourire frondeur toujours fier bien que désormais surmontée d'une belle trainée rubis.
Son regard suivit le mouvement de charge de la jambe mais d'une façon surprenante, au lieu de profiter de cet indice cruciale pour esquiver l'attaque à venir, le héros plongea en direction du coup et bouscula une nouvelle fois l'intérieur de sa jambe de tout son poids. Encaissant le choc et le contrecoup, il utilisa néanmoins cette force pour faire un bond sur le côté et échanger sa place avec son adversaire. De nouveau, il lui faisait face, mais cette fois ci il était placé entre le masque et sa victime.
D'un geste théâtral et dramatique, il retira sa cape avec agilité pour en recouvrir l'homme inconscient et profita de ce bref moment d'aveuglement pour retirer les couches d'épiderme supérieures qui avait été endomagées par les deux premiers chocs.
Lorsqu'il se retourna, dans une tenue de combat allégée, son visage ne portait pas le moindre signe de blessure et son sourire n'en était que plus insolent. Il n'était plus l'heure des bravades et autres petites piques, la surprise était encore son meilleur atout. Il savait à quel point le secret de son alter pouvait plonger ses adversaires dans une profonde confusion mais il ne pourrait malheureusement pas le conserver bien longtemps. Heureusement pour lui, l'ensemble de son enseignement de héros l'avait forgé dans le but unique d'encaisser les coups. Ni sa vitesse ni sa force ne pouvaient lui donner l'avantage et la moindre de ses attaques semblerait probablement à peine plus forte qu'une bourrade amicale sur ce grand gaillard.
Il avait directement pu goûter sa puissance et la sensation douloureuse résonnait encore en lui. S'il le premier choc ne l'avait obligé qu'à retirer une feuille, le second en revanche avait demandé bien plus de sacrifice... Quelque chose n'était pas normal dans cette attaque. Il avait frôlé la fracture sur un genre de coup qu'il avait largement l'habitude de prendre. Non, décidément, quelque chose n'allait pas et il avait tout intérêt à découvrir au plus vite la variable qui changeait la puissance de ces coups afin de mieux s'en protéger.
Mais pour l'instant, une nouvelle idée avait germé dans son esprit et il profita de sa peau neuve pour attendre avec insolence le prochain coup qui ne tarderait pas à arriver sans montrer la moindre tentative de se protéger. Son but était tout autre, maintenant il voulait se rapprocher au plus près de l'homme et le désarçoner. Depuis le début de leur altercation, celui-ci avait toujours réagi à la surprise mais n'avait jamais manqué de logique. Il apparaissait aux yeux du jeune homme comme une personne raisonnable, une personne donc qui pourrait être aisément déboussolée par un manque de réaction logique et attendu.
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Mes coups ont porté fruit et le sang s'écoule de sa bouche pour me le confirmer. Des dents de perdues? Non, son sourire insolent semble être entier. Ce n'était qu'une attaque qui servait à le déboussoler plutôt qu'à infliger des dommages importants. Tant mieux, tant d'insolence ne mérite guère une mort rapide. Pourquoi ne prend-t-il pas ce combat au sérieux? Est-ce que la vie du civil ne compte pas à ses yeux? Non, il cache quelque chose. Je fronce les sourcils et je me concentre sur tout ce qui se trouve à sa portée... et pourtant rien ne me paraît louche. Puis, vient mon coup de pied envoyé avec une dose d'énergie supplémentaire. Il a cherché à se rapprocher plutôt qu'à bloquer ou à s'éloigner pour l'éviter. Il l'a carrément encaissé. Il me tourne le dos et dépose sa cape sur l'homme couché par terre sans démontrer la moindre douleur.
Lorsqu'il se retourne avec un visage presque brillant et remis à neuf, je me dis que sa surprise devait résider dans son alter. Il a donc la possibilité de guérir, c'est ça? Je ne sais pas s'il s'agit d'un alter qui agit par le sang ou d'une autre façon, mais il a bel et bien guéri des coups que je lui ai assénés. Je souris à mon tour. Est-ce donc cela le combat auquel ces pauvres gens allaient assister? Comment allaient-ils réagir face à un homme qui se fera ruer de coups? Comment réagiront-ils lorsque le seul héros des parages se fera marteler jusqu'aux os? Perdront-ils espoir? Iront-ils chercher de l'aide? Ou bien céderont-ils à la peur et à la panique? Mes mains me recoiffent rapidement pour m'assurer une visibilité optimale avant de resserrer un peu plus mon masque. Je reprends position.
Il ne semble pas vouloir se défendre et d'après sa réaction antérieure, il voudra sans doute foncer vers l'intérieur de mes mouvements pour réduire l'impact des coups portés et me faire sentir vulnérable dans mes déplacements. Je suis fort physiquement et agile, mais lui, il est fourbe. Tout ce qui pourrait me surprendre a des chances de fonctionner et ça, il l'a vu avec les menottes. Je crois que je n'aurai pas le choix d'être fourbe à mon tour si je ne veux pas me retrouver en situation de désavantage. Je fais un pas vers l'avant et le second, je le charge à pleine puissance avant de le frapper au sol juste devant lui pour le fendre et forcer la poussière à masquer ma prochaine attaque qui sera elle aussi charger d'un crochet gauche qui vise à le défigurer de plus bel et de poursuivre d'une droite tout à pleine force sans être chargée. J'ai révélé une de mes cartes, mais si elle peut me donner un avantage sur la suite des choses, je ne serai pas si perdant que cela. Une fois que les coups ont été donné, je prends deux pas de recul pour voir quel genre de dégâts j'ai occasionné.
Sans précipitation, Iceberg laissa l'homme masqué venir à lui. La chance était de son côté: seul obstacle entre lui et le corps inconscient de sa victime, le héros-laitue était sur son terrain favori, la défense passive.
Sa nonchalance avait forgé une patience et une insolence à tout épreuve et il se permit même de siffler quelques notes pendant que son adversaire préparait sa prochaine attaque. Lorsqu'il se recoiffa et rajusta son masque, le vert ne put s'empêcher de tiquer. Il leva un sourcil curieux, ainsi donc il semblait que son second objectif, mis à part son désir de tuer la victime ET le héros venu à son secours, était de conserver au maximum son identité secrète. Ce point intéressa tout particulièrement Boston. Alors que le taux de criminalité dans l'ensemble du Japon grimpait en flèche, nombreux étaient les voyous qui ne prenaient plus la peine de dissimuler leurs visages. Bien au contraire, afficher son faciès en toute impunité était devenu la marque de leur puissance. Intouchables, ils n'avaient plus besoin de vivre cacher. Or, ce n'était pas le cas de son adversaire...
Un nouvel objectif en tête, Iceberg ne put s'empêcher de laisser un rictus presque méprisant se dessiner sur son visage devant ce déploiement de stratagème. Qu'importait réellement ces feintes et ces analyses, le jeune héros savait qu'il n'échapperait pas aux coups et ne tenta pas de le faire. Au contraire, il bondit une nouvel fois en direction de son adversaire pour devancer l'impact et limiter les dégâts. Profitant de cette proximité surprenante pour la plupart de ses adversaires, sa main jaillit brusquement sous le menton de l'homme qu'il affrontait. Elle n'était pas serrée dans un poing dont l'impact aurait pourtant pu porter quelques dégâts, mais tendue, ses longs doigts en direction de son visage. Sans quitter l'homme des yeux, son index s'approchait sans merci du bord inférieur du masque...
Mais il était tombé sur plus coriace que lui et une grimace de douleur tordit son visage lorsque son adversaire lui asséna une droite implacable dont la violence résonna jusque dans sa mâchoire. Il avait beau pouvoir se débarasser des dégâts, son alter ne le protégeait pas de la douleur. Avec un grognement, il encaissa le choc mais ne mener à bien son geste. Seuls ses doigts effleurèrent son masque et le soulevèrent légèrement sans pouvoir dévoiler plus que quelques centimètres de peau du menton.
La frustration serra le ventre du héros qui bondit à son tour en arrière, profitant de cet instant de répit. Merde... Raté pour l'effet de surprise, maintenant l'homme au masque connaissait ses intentions. Il espérait que son adversaire serait suffisamment désarçonné par son geste pour lui faire gagner quelques précieuses minutes.
Il passa sa main contre sa machoîre douloureuse et la massa avec attention comme un boxeur après un premier round.
T'y vas pas de main morte, toi !
Avec le même rire insolent, il profita de ce massage pour retirer une feuille de son visage, effaçant une nouvelle fois toutes traces de dégâts et soulageant son visage endolori par le choc. Maintenant, il devait se montrer prudent et surveiller un peu plus les coups s'approchant de son visage tandis qu'il perdait en résistance sur cette zone.
Du bout de son pied, il poussa doucement le bras amorphe de l'homme inconscient.
Qu'est-ce qu'un pauvre type comme lui a bien pu faire pour foutre en rogne un gars comme toi ? - s'enquit-il avec un sourire presque amical- Le pauvre est tombé dans les pommes avant même de savoir de quoi tu te vengeais.
Son attitude n'avait vraiment pas grand chose d'héroïque. Il ne prenait pas grand soin de l'homme qu'il était pourtant venu sauver, profitait de cette ruelle pour se cacher du grand public et espérait en secret que des renforts viendraient bientôt mettre fin à ce grabuge.
Tu veux pas plutôt m'expliquer tout ça ? J'aime pas franchement la baston. -avoua-t-il d'un air nonchalant, étirant même rapidement ses bras au dessus de sa tête avant de revenir dans une position plus prudente.- Désolé pour ton masque, -ajouta-t-il en haussant les épaules- je suis du genre curieux.
Il n'avait à présent plus que deux objectifs en tête: gagner du temps et profiter de ce combat pour collecter le plus d'informations possibles sur ce type. Est ce qu'il s'agissait de sa première victime ? Quel était son alter ? Et surtout, quelle identité se dissimulait sous ce masque ?
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