Lin parcourait les rues des bas quartiers, nerveuse. Elle était désormais habituée à fréquenter des personnes à l’intégrité morale douteuse mais fréquenter de tels endroits seule la mettait toujours quelque peu mal à l’aise. Les rues étaient étroites, parfois de vrais coupe-gorges. Son alter lui permettait de se défendre en cas de besoin mais il n’empêchait qu’elle aurait été dans de beaux draps si un éventuel agresseur portait un masque. En effet, son sable devait avoir un contact direct avec les yeux d’une personne pour faire effet et la tâche n’en était que plus ardue quand un masque dissimulait le visage d’un adversaire. Elle restait donc sur ses gardes.

Elle lança un regard à sa droite, puis à sa gauche. Elle se trouvait dans une ruelle plutôt grande malgré tout un mauvais pressentiment la tenaillait. Après tout, bien qu’elle commençât à se faire des relations au sein de la ligue des vilains, cela ne la mettait pas à l’abri de problème. Elle savait pertinemment que son apparence juvénile pourrait lui jouer des tours et que ses prétendus « alliés » pourrait s’avérer être des agresseurs pensant avoir trouvé une victime de choix dans les bas-quartiers de la ville. Malgré tout, elle ne pouvait pas faire marche arrière car c’était sa chance de faire bonne impression auprès de ses supérieurs. On lui avait confié une mission, elle ne pouvait y faillir sans s’attendre à de néfastes répercussions. Par-dessus tout, son angoisse de se trouver en ces lieux et le mauvais pressentiment qui l’assaillaient ne constituaient clairement pas une justification valable pour abandonner. Elle allait y arriver, rien de terrible ne pouvait se produire, n’est-ce pas ?

Lin continuait de marcher, le plus près des murs possible, comme pour se rassurer. Elle sentait le poids du colis qu’elle avait la tâche de livrer alourdir la poche de son sac. Elle ne savait rien de son contenu et ce n’était pas son rôle de poser des questions. Tout ce qu’on lui avait permis de connaître, c’était l’adresse à laquelle elle devait le déposer. Plus que quelques centaines de mètres à parcourir avant d’y parvenir, si elle en croyait ses souvenirs. Plus que de se faire agresser par un vilain masqué, elle craignait qu’une personne malintentionnée tente de voler son sac. Avant d’effectuer la livraison, elle avait de multiples fois pensé à cette éventualité. Malheureusement, elle n’avait pas trouvé d’autre moyen pour acheminer discrètement le colis dont elle avait la charge à destination, du fait de la taille qu’il faisait. Elle resserra imperceptiblement son emprise sur l’anse du sac. Elle avait juste hâte d’arriver à destination.

A l’intersection qui marquait la fin de la ruelle, elle s’engagea dans une autre petite rue sur sa gauche. Elle avait regardé les plans du quartier de multiples fois avant de venir en personne. Ainsi, elle avait presque l’impression de déjà connaître les lieux. C’est d’un pas qu’elle voulait décidé que Lin changea de direction, bien qu’elle sache pertinemment que l’image d’une fille sûre d’elle qu’elle voulait faire paraître ne tromperait personne. Elle tentait vainement de contrôler son angoisse mais pour qui savait bien interpréter les signes, elle était plus qu’évidente.

La jeune fille parcourut encore quelques dizaines de mètres avant d’arriver à destination. Elle se trouvait face à une grande bâtisse, haute de deux ou trois étages. Ce bâtiment ne détonait pas, toutes les autres constructions de la rue étaient d’aspect et de hauteur similaires, ce qui renforçait le sentiment d’oppression que Lin ressentait en sillonnant ces étroites rues. Elle pénétra dans le bâtiment sans avoir besoin d’aucune clef. L’intérieur était plutôt bien entretenu, des gens vivaient sûrement ici. Comme son supérieur avait pu lui indiquer, un mur recouvert de boîtes aux lettres se trouvait à sa droite. Une fois qu’elle l’eut repéré, elle se dirigea calmement mais rapidement vers lui. On lui avait donné la clef d’une boîte aux lettres précises. Elle jeta un coup d’œil suspicieux autour d’elle : il semblait n’y avoir aucun témoin ou aucun bruit du moins n’aurait pu trahir sa présence. D’un unique geste rapide et discret, elle transféra le contenu de son sac au coffret dans le mur et le referma aussitôt à clef. Le destinataire de ce mystérieux paquet viendrait le récupérer plus tard, elle serait déjà loin.

Elle ne put réprimer un soupir de soulagement. Sa tâche accomplie la soulageait déjà d’un poids. Elle n’avait plus qu’à sortir de cet endroit oppressant et regagner des quartiers moins sombres. Sans demander son reste, Lin quitta le bâtiment et regagna la ruelle. Encore et toujours, elle se sentait observée. Elle secoua la tête, comme pour éloigner les mauvaises ondes. Ce sentiment était présent depuis une bonne demi-heure au moins et il ne s’était pourtant rien passé, cela devait être son imagination. Pourtant, alors qu’elle prenait le chemin inverse, elle s’arrêta nette devant une minuscule impasse qui débutait dans la ruelle où elle se trouvait. Lin fixa l’obscurité. Elle était presque sûre d’avoir aperçu une ombre se mouvoir. Était-ce quelqu’un ? Un chat, peut-être ? Ou encore son imagination qui lui jouait des tours ?

Un homme étrange lui faisait face, désormais. Comment connaissait-il son nom ? Un autre membre de la Ligue, peut-être ? En tout cas, la jeune fille demeurait méfiante à son égard.

Lin baissa les yeux et contempla le sol. Elle voyait mal en raison de l’obscurité de l’étroite ruelle. En effet, les rayons du soleil étaient arrêtés par les hauts bâtiments. Malgré tout, elle pouvait distinguer deux formes inertes sur le sol. Des corps ? Elle n’en était pas certaine, cela aurait tout aussi bien pu être des amas de sacs, ou de déchets. Elle remonta par la suite le regard vers l’étranger. Il portait un masque effrayant et était recouvert d’un long tissu noir. Impossible pour Lin d’utiliser son alter sur lui, en cas de problème. A moins de parvenir à lui retirer son masque, ce qui ne serait pas une mince affaire pour elle.

Que faire, maintenant ? Après tout, il lui semblait ardu d’établir, ou non, l’appartenance de l’étranger à l’alliance des vilains. Cela étant, il ne coutait rien de demander son nom ; elle l’avait peut-être déjà entendu.

« A qui ai-je l’honneur ? »

Lin tenta de paraître sûre d’elle. Cependant, elle fit un pas léger en arrière, presque imperceptiblement. Sa priorité était de découvrir l’identité de l’inconnu, puis d’établir son alter afin de déterminer s’il était, ou non, un danger. Si jamais il n’était pas un allié, elle devrait s’assurer qu’il n’avait pas connaissance du colis qu’elle avait la charge de livrer. Elle devait à tout pris mener sa mission à bien, même si le paquet était déjà livré. Il fallait qu’elle gagne du temps, qu’elle le fasse parler pour analyser la situation. Son frère et elle avaient, peu avant la mission, discuté des comportements à adopter en cas de problème, d’intervention d’une personne suspecte dans la mission. Etape 1 : établir l’identité de l’étranger. Etape 2 : établir l’alter de l’étranger. Etape 3 : si c’est possible, endormir la victime. Sinon, chercher un moyen de retirer l’obstacle potentiel. Etape 4 : appeler du renfort, si besoin, en appuyant sur son téléphone.

Ainsi, Lin était plutôt sereine malgré tout, face à cet étranger. Elle avait un plan, elle n’avait qu’à le tenir occupé le temps de pouvoir déterminer s’il constituait un danger et, si c’était le cas, elle pouvait toujours contacter son frère.

« Je sais me défendre alors je ne crains pas de rester seule dans ce genre d’endroit. Je détonne peut-être, mais vous devriez ne pas vous fier pas aux apparences.

Sur ces mots, elle secoua la tête doucement. De petits grains de sables se détachèrent naturellement de ses cheveux et tombèrent sur le sol – cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas pris la peine de retirer l’excédent de poudre. Si l’étranger avait la vue fine, il pourrait être apte à remarquer la légère chute du sable.