La fin des cours avait finalement sonnée et je m'étais échappée rapidement pour lire tranquillement dans un coin.

Je n'avais pas envie de déjà retourner dans ma chambre, pas toute de suite, je voulais avant tout profiter d'un instant de calme et de solitude. Si d'un côté, l'ouverture de l'internat m'avait soulagée parce qu'elle me permettait de ne plus avoir à supporter ma petite sœur adoptive et ses tentatives pour faire en sorte que je l'aime comme ma propre sœur, non pas que je la détestai, je ne voulais juste pas la considérer comme tel, je devais avouer que cela me fatiguait de ne plus avoir de chambre rien qu'à moi. J'aimai qu'on me laisse tranquille...

Le soleil allait bientôt commencer à se coucher lorsque je me levai et décidai d'aller me balader au parc, une promenade ne pourrait pas me faire de mal...

Je sortais donc rapidement de l'enceinte du lycée et m'aventurai dans les ruelles lorsque les nuages s’amoncelèrent dans le ciel et que la pluie commença lentement à tomber. Plus j'avançai, et plus la pluie s'intensifiait, bien vite, les rues habituellement si vivantes devinrent désertes.

J'arrivai finalement au parc.

Comme le reste de la ville, il avait été déserté à cause de la pluie. Cela ne me dérangeait pas le moins du monde et me réjouissais même. Ainsi, je jouirai plus longtemps de la solitude et de la tranquillité. Et je ne psychoterai pas non plus, en imaginant que toutes les personnes qui m'entouraient ne regardaient que mes lunettes et moi, et ne cessaient de dire du mal de nous.

Mes vêtements avaient beau être trempés et mes cheveux me coller, ça ne me dérangeait pas non plus, au contraire, j'adorai la pluie. Elle était si fraîche, répandait de l'eau, et donc de la vie... mais surtout, elle rendait le ciel sombre avec ses nuages et ces derniers ne m'éblouissaient donc pas. Car oui, les nuages, lorsqu'ils étaient bien blancs et recouvraient l’entièreté du ciel, m'éblouissaient grandement.

Avec ce temps, au moins, il n'y avait pas de problème!

J'enlevai donc finalement mes lunettes, leur verres étant couverts de gouttelettes. Sur le coup, ça me fit bizarre de ne plus voir le monde en petits ronds humides et en noir. Il me paraissait plus net et plus clair, sans pour autant que cela ne me fasse mal aux yeux. Je soupirai alors d'aise, me mettant à faire un petit sourire en coin en reprenant ma route, mes lunettes toujours dans ma main, au cas où j'en aurais besoin. Il fallait dire que, bien que c'était de plus en plus rare, je perdais parfois le contrôle de mon Alter, lorsque j'étais en colère notamment. Je ne voyais pas trop ce qui pourrais m'énerver à ce point en ce moment, mais bon, sait-on jamais...

C'est alors que j'arrivais au niveau d'un banc où, un garçon était assis. Des cheveux d'ébène cachaient ses yeux tandis qu'il avait la tête tournait vers le ciel, appuyée sur le dossier du banc. Que faisait-il là par ce temps? Il avait l'air encore plus trempé que moi!

Je plissai un court instant les yeux, cherchant une réponse à ma question et, n'en trouvant pas, je finit par demander, frustrée:

"Qu'est-ce que tu fais là?"

Je savais bien que j'aurais pu être à sa place et lui à la mienne, mais c'était plus fort que moi. Absolument pas habituée à cette récente curiosité pour les autres, je me devais de tirer cela au clair.

HRP:

Je continuai de regarder le garçon, me demandant un instant si il m'avait entendue ou si il dormait, il fallait dire qu'il prenait son temps pour répondre! Je profitais de ce lapsus pour écouter autour de moi, notamment la pluie. Avec mes problèmes de vue, mon ouïe s'était améliorée, aussi, me reposai-je beaucoup sur ce sens, en général. A part la pluie, il n'y avait pas un bruit, pas une voiture, ni une discussion ou un murmure, rien, le silence complet. L'espace d'un instant, j'avais l'impression que le temps s'était arrêté, ou que le monde autour de nous avait disparu.

C'est alors qu'il me répondit finalement.

"Je pensais..."

Je le dévisageai. Tout ce temps pour ça? Il devait encore être en train de penser...

Le ton qu'il avait pris était à la fois froid et suave, un drôle de mélange qui me fut frissonner. Bien que j'ignorai pourquoi exactement... je fis comme si de rien n'était et continuai de le regarder, n'ayant rien d'autre à regarder de toute façon.

Je remarquai alors qu'il n'avait pas bougé d'un poil, il était toujours dans la même position, sa tête vers le ciel, et même ses mèches de cheveux étaient restées immobiles, je devinais alors qu'il devait me regarder d'en-dessous, ou du moins, me fixer du coin de l’œil.

"Sens-tu cette odeur ?"

Finit-il par demander. Je le regardai, perplexe, et fermai les yeux pour mieux me concentrer sur mes sens olfactifs. Je ne sentais rien de bien particulier à part les odeurs habituelles d'un parcs, plus fraîches et humides que le reste du temps, avec la pluie. La seule odeur qui ne venait pas de la nature devait être celle du goudron, qui paraissait étrangement forte, sûrement aussi à cause de l'eau. Je gardai donc les yeux fermés pour rester concentrée et m'approchai d'un pas, ne sentant rien de plus, je finis par lui répondre.

"Je ne sais pas... je ne sens que celle que l'eau provoque sur la nature et les lieux urbains. Une odeur fraîche... humide... qui apaise l'esprit... mais rien d'autre, désolée."

Je disais tout ce que cette odeur me faisait ressentir sur l'instant, je devais bien avouer que je l'appréciais. Mais qu'en allait-il de lui? Était-ce la réponse qu'il attendait? J'en doutais... mais qu'importe.

J'écoutais silencieusement la réponse de l'autre et m'interrogeai. Il aimait que les autres ne pensent pas comme lui? Voilà quelque chose d'étonnant... enfin... c'était apprécier la diversité alors... pourquoi pas...

Je rouvris finalement les yeux et découvrit que le garçon s'était finalement un peu redressé et me regardai, l'air cependant absent. Je me plongeai un instant dans son regard rouge sang avant de finalement dresser l'oreille.

Tournant mon regard vers le chemin, je plissai les yeux et entrouvrit vaguement deux espèces de formes assez petites, sûrement des animaux... ou des enfants peut-être? Je ne voyais pas très bien... mais ça ne devait pas être ça... après tout, qu'est-ce que des enfants feraient dehors à cette heure et par ce temps? En plus, on les entendrait sûrement de là où on était, mais on entendait toujours que la pluie, ça et rien d'autre.

Je me concentrai à nouveau sur le garçon, celui semblait déjà prêt à penser à autre chose que moi, il m'arrivait aussi d'avoir des absences, je devais l'avouer, mais moins souvent je pense... et puis, qui n'en a pas eu au moins une dans sa vie? Tandis que je le détaillai un instant, profitant de ne pas voir le monde en noir pour une fois, mais bien avec ses vraies couleurs, je finis par m'approcher encore un peu. Puis, sans trop réfléchir, j'enlevai ma veste d'uniforme du lycée et la posai sur le dossier du banc avant de me mettre bien devant lui, sous la lumière du réverbère. Je réfléchissais une dernière fois à ce que j'allais lui dire, et finit par me lancer.

"Est-ce que toi aussi... tu fuis les contacts humains en quête de solitude?..."

Ma question devait sans doute lui paraître bizarre et je me préparai même à le voir prendre ses jambes à son cou et s'enfuir le plus loin et le lus vite possible. C'était la première fois que je voyais quelqu'un qui semblait autant apprécier la solitude, comme moi. Enfin, moi, c'était encore différent... je n'aimai pas vraiment être seule, mais je me l'étais imposée. Et lui? Aimait-il? Ou se forçait-il, comme moi?

"Pas spécialement. Je ne fuis ni ne cherche rien de particulier."

Il avait reprit son ton à la fois froid et suave pour me répondre, ce qui me fit de nouveau frissonner. Cependant, je ne laissai toujours rien paraître. En écoutant sa réponse, je compris qu'il n'aimait pas spécialement la solitude, comme moi, bien que je n'étais pas sûre qu'il se l'infligeait, lui. Je songeai à quoi dire ou quoi faire à présent, pensant à peut-être partir et retourner au lycée pour ne pas m'attirer d'ennuis, mais aussi pour éviter de tomber malade et me réchauffer un peu.

"Pourquoi enlèves-tu ta veste ?"

Finit-il alors par me demander. Je le regardai en cherchant une réponse.

C'est vrai ça... pourquoi je l'avais enlevée? Elle aurait pu me tenir "chaud" plus longtemps et m'aurait permis de résister plus longtemps au froid, et ainsi, de rester dehors un peu plus longtemps. Alors pourquoi? J'avais beau cherché, je ne trouvai pas de réponse satisfaisante.

Je laissai ma tête aller en arrière et regardai un instant le ciel avant de fermer les yeux, étendant les bras sur les côtés, permettant ainsi à la pluie de s'abattre sur eux avec d'autant plus de fougue, et ainsi, de mieux les mouiller, une esquisse de sourire se dessinant lentement sur mes lèvres. En étendant mes bras, je lâchai mes lunettes de soleil qui tombaient dans un petit bruit. Comme mes cheveux étaient trempés, ils reflétaient la lumière du lampadaire et brillaient un peu. Une bourrasque passa alors et les fit aller dans son sens.

L'espace d'un instant, j'imaginai mes lunettes s'envoler avec la bourrasque, s'envoler avec tous les problèmes dont elles étaient le synonyme, et ne plus jamais revenir. Mais je savais que cette bourrasque n'était pas encore assez forte pour les emporter, ni elles, ni les moqueries, ni mon problème de vue, et encore moins mon maudit alter, malheureusement.

Aucune bourrasque ne serait jamais assez forte pour cela, et je le savais.

Je me disais alors que le jeune homme avait dû aussi voir ma cicatrice, depuis un moment, mais il n'avait fait aucune remarque et n'avait pas dégoûté ni quoi que ce soit, comme les gens l'étaient habituellement. C'était tant mieux.

Finalement, je finis par percevoir une réponse à sa question qui faisait encore écho dans ma tête et, la clarifiant, je la formulai, sans bouger, toujours dans la même position, en gardant bien mes yeux fermés.

"Je ne sais pas trop. C'est idiot, je risque d'attraper froid maintenant... mais je m'en moque pas mal... à vrai dire, c'est le cadet de mes soucis. De plus... je dirais que j'aime ressentir la pluie sur ma peau, comme ça... c'est apaisant... comme l'odeur..."

Je finissais par entrouvrir les yeux, une goutte ou deux tombant dedans, me faisant cligner, puis, je baissai la tête, regardant de nouveau le garçon.

Je remarquai alors qu'il s'était redressé et me regardait à présent avec ses yeux rouges vifs. Je soutins son regard en continuant de frissonner, le vent avait découvert son visage et me le dévoilait donc. Je l'entendais me répondre. Sa réponse me semblait quelque peu désintéressée, comme si, au final, il se moquait pas mal de mon explication, même si il s'agissait de sa question. Ce devait être comme les questions de modalité du type "Ca va?". Quand on demande à quelqu'un que l'on apprécie pas forcément, sans non plus le détester, si il va bien, on se moque pas mal de la réponse. Après tout, ce n'est qu'une question de formalité. Soit il va mentir et on ne va pas le remarquer ou on va s'en moquer parce qu'on ne le connaît pas, soit l'information va à peine effleurer notre cerveau. C'est la vie.

Je ne prêtai donc pas attention à la froideur et au manque d'humanité de sa réponse et regardait une fleur, derrière lui. Elle portait plusieurs gouttes de pluie sur ses pétales, ce qui  la faisait briller dans la faible lumière de la nuit. Je trouvais cette image assez belle... mais inutile de trop s'attarder dessus non plus.

Je décidais finalement de me pencher pour ramasser mes lunettes de soleil, avant que les verres de celles-ci ne se recouvrent suffisamment de boue et de crasses pour qu'ils se retrouvent être irrécupérables, ce qui serait bien embêtant, lorsque le garçon finit par reprendre la parole.

"Tu es une élève de Yuei."

Plus qu'une question, c'était une affirmation, ça s'entendait dans sa voix. Une telle phrase en aurait effrayé plus d'un en ce moment. Après tout... vu tout ce qui s'est passé dernièrement, tout le monde commençait à avoir sérieusement peur, ce qui était compréhensible. Où étaient les vilains? Par quelle couverture étaient-ils cachés? Mon meilleur ami en était-il un? Ou ce type bizarre qui n'arrête pas de me dévisager? Que sait-il sur moi?

Cependant, moi, je m'efforçai de rester calme. Après tout, je venais de poser ma veste à côté de lui, et, même sans elle, il avait probablement dû reconnaître l'uniforme de Yuei. Il n'avait donc fait qu'une déduction logique. Je ne vois pas trop comment nous aurions pu nous croiser ici, en sachant qu'il était là avant moi et que je ne passai que très rarement par ce parc, si ce n'est jamais. Si il cherchait vraiment à m'attaquer ou me faire du mal d'une quelconque manière en m'interceptant, ça n'aurait certainement pas été comme ça...

Après, rien n'excluait le fait qu'il s'agissait vraiment d'un vilain déguisé et que le hasard nous avait juste jouer un tour.

"En effet... pourquoi? Tu fais parti de l'alliance peut-être?"

Finis-je par lui répondre avec un sourire en coin, ne laissant rien paraître de mes soupçons, bien que je guettais effectivement chaque élément révélateur dans sa réaction, échafaudant d'avance un plan d'évasion qui consisterait simplement en "j'ai reçu un message, je dois y aller" et ensuite assurer mes arrières de la manière la plus discrète possible. Bien sûr, je devrais jouer la carte de la naïveté et faire comme si je n'avais rien vu des éléments révélateurs fournis. Il serait donc temps pour moi de jouer la comédie. Lui demander de face avec ce sourire en coin était la première étape de mon plan. Et j'espérais vraiment qu'il marcherait, bien que mes soupçons n'étaient toujours pas fondés...

"Je suis artiste indépendant. Si tu connais de bons clients, présente-les moi."

Finit-il par me répondre sans rien laisser paraître du tout, comme si tout était naturel. Je le dévisageai un court instant avant de regarder vers le ciel, pensive, me laissant aller à la réflexion. Est-ce qu'il était sérieux? Par"clients", voulait-il parler de héros? Pensait-il à Yuei? Il y avait de fortes chances... je ne pouvais pas le laisser approcher du lycée, même si tout cela n'était qu'une blague, le risque était trop gros. Devais-je donc appliquer mon plan d'évasion de tout à l'heure? Sans doute, en espérant qu'il n'engagerait pas de combat.

Serrant mes lunettes dans ma main droite, je passai mes bras derrière ma tête dans une posture quelque peu désinvolte et cherchait une excuse pas trop bidon, le coup du téléphone était plus que surfait, je devais trouver autre chose...

Il n'avait pas l'air d'avoir remarqué mes lunettes, je pouvais toujours lui faire croire que je devais rentrer à cause de mon alter qui serait lier à... à quoi tiens?

Mes yeux se posèrent sur lui un court instant tandis qu'il clignait des yeux, il aurait encore eu une absence? Bah, qu'importe, la priorité était de me trouver un alter pour excuser mon départ soudain. Je continuai de regarder le ciel et voyais que la lune, que j'entrevoyais à peine entre les nuages, continuait rapidement sa course, c'est alors que j'eus l'idée.

"Désolée, mais j'ai un alter qui me rend très énergique, la journée, et qui nécessite que je dorme bien la nuit... aussi, il se fait tard et je devrais y aller, mais la conversation fut intéressante!"

M'excusai-je donc avec un sourire que j'essayai de rendre le plus sincère possible, chose pas très évidente avec moi, vu que je ne souriais jamais. Je décroisai donc mes bras en continuant de serrer mes lunettes de soleil dans ma main et en espérant qu'il ne les verrait pas, sans quoi il pourrait avoir une chance de me griller et de comprendre que mon alter touchait mes yeux, bien que ce n'était pas si probable, et je m'approchai du banc pour prendre ma veste que je gardais sur mon bras.

"Et désolée, je ne vois aucun client pour toi!"

Ajoutai-je de la manière la plus naïve possible, faisant un nouveau sourire qui se voulait toujours aussi sincère, tellement naïve qu'elle me répugnait moi-même. Puis, sans attendre, je me retournai et commençai à m'éloigner en espérant qu'il mordrait à l'hameçon, continuant de serrer mes lunettes dans ma main.

La pluie et le vent venaient de s'arrêter lorsque cette voix m'interpella.

"Hé."

Ce simple mot me figea sur place et me fit frissonner. La voix que le garçon avait utilisé pour le sortir était toujours aussi suave, mais cette fois, pas froide, elle était même plutôt douce. Je remarquai alors mon erreur de débutante, celle de lui avoir tourné le dos sans même l'avoir surveillé du coin de l’œil. J'étais tellement concentrée par l'idée de m'éloigner de lui que je n'y avais pas pensé, pas une seule seconde, il aurait très bien pu me poignarder dans le dos que ça aurait été la même chose... quelle idiote je pouvais faire parfois, franchement!

L'ambiance qui s'était soudain installée, depuis que les éléments s'étaient calmés et que le silence régnait, me mettait mal à l'aise, j'avais un mauvais pressentiment, pourtant, je me doutais qu'il ne m'attaquerait plus maintenant, il l'aurait déjà fait, à moins qu'il n'en éprouve la nécessité d'un coup. Je sentais malgré tout mon cœur battre plus fort sous la peur. J'aurais tout donné à cet instant pour être plus courageuse et garder mon sang-froid plus facilement!

Que devais-je faire maintenant? L'ignorer et faire somme si je ne l'avais pas entendu? Impossible, il était encore trop près et le silence régnait, sans compter que, comme une idiote, je m'étais déjà arrêtée, comme si il m'avait enchaînée au sol et que je ne pouvais plus tirer sur ma chaîne.

M'enfuir peut-être? Trop risqué, il pourrait justement se mettre à m'attaquer et, si il s'agit vraiment d'un vilain et d'un membre de l'alliance, il pourrait avoir des copains cacher pas loin. Je n'étais décidément pas en bonne posture, moi qui préférait attaquer à distance, par surprise et la première... je ne pouvais rien faire avec mon alter.

Il ne me restai donc qu'une chose à faire...

Lentement, en tremblant, bien que j'essayai de le cacher du mieux que je pouvais, je me retournai et lui fit face à nouveau. A présent, il était debout à côté du banc. Je soutins son regard de la manière la plus courageuse que je pouvais, tandis que la main qui serrait toujours mes lunettes était devenue moite.

"Oui?"

Finis-je par répondre en continuant de trembler ma voix étant cependant, et heureusement, parfaitement claire. Je devais garder mon sang froid et ne rien laisser paraître, quoi qu'il arrive. Rester calme.

Je me figeai soudain en ne voyant que cette paire d'yeux rouges luisants, tremblant de tous mes membres. Bien que je détestai la lumière, j'avais toujours eu une peur bleue du noir, tout pouvait y arriver! Et notamment l'apparition de choses étranges. Depuis la mort de mes parents, je voyais notamment apparaître leur assassin, sous mes yeux, et je me mettais à hurler et à pleurer... heureusement, j'avais passer cette phase en entrant à Yuei, mais je n'étais toujours pas rassurée dans le noir complet. Et, avant, quand j'avais moins de 10 ans, j'imaginai ce qui pourrait apparaître, les yeux rouges luisants d'un monstre en faisaient partie.

Cette vieille phobie de gosse me glaça le sang et j'écarquillai les yeux malgré moi, chancelant sur le coup, complètement abasourdie, déstabilisée et effrayée. En cet instant, j'avais atrocement peur. J'avais beau essayé de me ressaisir, de reprendre mes esprits, c'était en vain.

"Bonne soirée. Evite de sortir seule aussi tard la prochaine fois."

Susurra alors la voix du garçon, toujours avec cette voix suave qui, sur l'instant, me donna encore plus de frissons que toutes les fois précédentes. Je reculai même d'un pas sur le coup, continuant de chanceler. Je détestais paraître aussi faible mais c'était plus fort que moi, je ne pouvais tout bonnement faire autrement.

Puis, au bout d'un moment qui me parut durer une éternité, les yeux rouges et leur propriétaire finirent par se détourner. Couper de leur vision, je reprenais peu à peu mes esprits, aussi, pus-je entendre les bruits de pas du jeune homme qui s'éloignait dans l'obscurité. Je restai là un moment encore après, sursautant au moindre bruissement de feuille, au moindre mouvement, à la moindre petite chose qui se produisait dans les alentours.

Puis, au bout de plusieurs minutes, l'emprise que les yeux avaient eu sur moi, même après être partis, avait disparue, et, complètement vidée de mes forces, je m'effondrai au sol, d'abord à genoux puis à quatre pattes. Haletant et transpirant, les larmes faisant irruption dans mes yeux et tombant sur le sol et sur mes mains que je regardai, elles se troublaient parfois et bougeaient, ma tête tournant. Je n'allais tout de même pas rester comme ça, ici! Si? Et si... en relevant la tête... je retombais sur ces yeux... juste devant moi cette fois? Près à me dévorer? Non! Je ne voulais pas, je ne voulais tout simplement pas relever la tête et prendre ce risque! A moins qu'ils ne soient derrière moi? Comment savoir? Ils pouvaient être n'importe où!

Tandis que j'imaginais les yeux rouges partout autour de moi, je me mis également à revoir plusieurs autres terreurs nocturnes m'encercler, avec les yeux. Haletant de plus en plus, mes larmes se multipliant, chacun de mes membres se mettant à trembler, je sentais des sueurs froides couler le long de ma nuque et mon dos.

Puis, sans réfléchir, je me mis à fermer les yeux. Fermer les yeux à m'en faire mal. Et alors, mes jambes m'obéirent à nouveau, me permettant de me relever.

Sans attendre, je fis volte-face et me mis à courir à toute vitesse, toujours les yeux fermés, trébuchant et me cognant plusieurs fois, manquant même de m'assommer, cependant, je me reprenais le plus vite possible et me remettais à courir, encore plus vite.

Ce ne fut que lorsque mes poumons manquèrent de s'arrêter de fonctionner, que je finis par m'arrêter, rouvrant enfin les yeux sur une rue que je connaissais, heureusement, et éclairée à souhait. Je pris donc le chemin du retour du lycée en me remettant à courir, faisant bien attention de rester dans les endroits les plus lumineux, fuyant la moindre ombre.

Puis, j'arrivais enfin au lycée et rejoignais ma chambre d'internat, toujours aussi paniquée, y entrant en fermant bien la porte derrière moi et en allumant de suite la veilleuse la plus éloignée des lits de mes colocataires. Le fait que j'avais réussi à arriver jusque là sans croiser personne était un véritable miracle, cependant, je m'attendais à être sévèrement disputée le lendemain, voir même punie, pour avoir ainsi disparue.

J'allais me laver, mettant mon uniforme à sécher, m'efforçant de me calmer, faisant attention à ne pas réveiller les autres filles et, me changeant, j'allais éteindre la lumière et courais vers mon lit, plongeant dans ce dernier pour me recroqueviller sous mes couettes en tremblant, effrayée à l'idée de voir un quelconque monstre dans la pénombre de la pièce.