L'atmosphère, le temps, mon coeur étaient lourds en ce jour de rentrée pour moi qui avait pourtant quitté tous les espoirs de carrière depuis bien longtemps. La Ligue des Vilains. Un groupuscule recherché dans tout le pays m'avait contacté. J'étais retenu et devais me rendre à l'endroit indiqué. Il n'y avait pas beaucoup plus de détails, je suppose que les vrais criminels doivent toujours n'en dire que très peu... La ville a été bruyante toute la journée. Comme à son habitude. Mais il faut dire que plus le temps passe et plus tout ça me fout le cafard. Je sais pas.. même si j'ai peut-être trouvé ma place avec ces gros méchants, qui me dit que c'est la fin de mes ennuis et non le début de tous nouveaux soucis ? J'ai un peu peur de m'enfoncer, mais au point où j'en suis ... Je me suis résigné à faire le trajet à pied, traînant la patte de mon éternelle lassitude alors que je planquais mon costume tout blanc sous un manteau à capuche. De toute façon personne ne me connaît. Ce n'est même pas des héros que je me cache mais de ces enfoirés...

A chaque coin de rue et même tous les cinquante mètres, il faut que je regarde autour de moi pour vérifier que je ne suis pas suivi. Je ne traverse pas sans avoir regardé quatre fois à droite et à gauche ... J'ai l'impression que ma vie est constamment menacée. J'avais en tête que la Ligue saurait me donner le sentiment de sécurité que je recherchais mais alors que l'heure de la rencontre approchait, je sentais mon estomac noué comme un petit collégien avant un examen. C'est bien. La peur est une amie, un sentiment auquel je suis habitué, un instinct qui m'aide à survivre, tant que j'ai un peu peur, c'est que je suis encore un peu en vie. J'y suis arrivé.

Sans trop y penser, je suis parvenu à passer la porte. J'ai suivi le chemin indiqué jusqu'au bar et fut à moitié étonné de voir qu'il y avait du monde. Des têtes infectes, ces scélérats sentent le crime à plein nez, j'arrive pas à croire que je me suis embêté à me dissimuler. Il y avait comme un bruit de fond de bavardages entre les groupes de truands et moi je me tenais à l'écart. Plus de chaises alors on s'adosse à un mur pas loin de la porte, on croise les bras et on attend. J'ai vraiment  pas envie de m'embourber dans plus de galères, autant attendre que les choses se fassent.

En attendant, je me posais tout un tas de questions. Et si je n'étais pas à la hauteur ? Et si je me faisais tuer même ... C'est ce qu'on risque tous les jours en rejoignant le côté obscur et voilà où j'ai réussi à atterrir... Je vais devoir faire attention à ce qu'ils me tombent pas dessus alors que je suis occupé avec la Ligue. Il faut à tout prix que je survive à ce premier jour pour avoir une chance de les battre. Si je parviens à avoir le soutien de cette équipe de tarés, je suis persuadé que je serais enfin sauvé. Vous y croyez vous ? Il aura fallu que je me tourne vers eux. Trop peur que les héros me fassent buter avec leurs procédures et leur politique débile de "zéro meurtre" ... Certains Maux doivent être anéantis tant qu'il est encore temps. J'ai conscience que cela fait de moi l'un des leurs mais on ne m'a pas vraiment laissé le choix.

Du mouvement... enfin. On pouvait entendre des pas délicats s'avancer sur une petite estrade qui permettait à l'individu de surplomber l'assemblée et d'en voir toutes les têtes. On s'est tous rapprochés pour assister au discours de bienvenue... Ouais bon, on repassera pour la qualité de l'accueil. Au départ, quand tout le monde a vu débarquer cette jolie jeune femme aux cheveux bleus, habillée comme une prêtresse égyptienne et à l'allure de sirène, il n'y avait plus un bruit. Jusqu'à ce qu'un chuchotement s'élève dans la foule, on devinait clairement les bavardages de gros machos qui jugent la femme sous toutes ses coutures. J'entends se demander pourquoi c'est une femme et pas un membre de la Ligue qui nous prend en charge, j'ai même ouïe dire qu'ils pensaient qu'elle assurait la première partie d'un spectacle navrant pour leurs petites cervelles frustrées. Je ne peux que soupirer. C'est ça, les recrues de la Ligue ? J'espère qu'ils seront pas tous acceptés...

Bref, la demoiselle fait un discours qui jure totalement avec l'idée qu'on a d'un speech motivant. Elle précisait ne pas vouloir voir nos capacités, alors que fait-elle ? J'ai peine à croire que l'organisation terroriste qui fait trembler le Japon héroïque est peuplée de zinzins qui n'en font qu'à leur tête. J'aurais presque voulu faire demi-tour et m'éclipser en silence quand un valeureux inconnu levait la main en posant une question pertinente, la première depuis bien longtemps.

"Alors qu'est-ce qu'on fait là exactement ? Vous ne voulez pas voir nos performances, dois-je en conclure que la réunion est déjà finie ? Vous auriez pu nous envoyer un mail ..."

Les regards ont convergé vers la source de ces paroles. C'était un homme qui faisait un peu âgé. Fin de trentaine, début de quarantaine je dirais, à en juger par les quelques cheveux blancs. Un ancêtre nouvelle recrue, intéressant. En tout cas, je suis content qu'on ait au moins une personne avec deux neurones en état de marche. Il posait de très bonnes questions et à en juger par son accoutrement - un costume clair de businessman, on comprend qu'il est du genre à bien parler.

Les autres ont soutenu sa position, comme des moutons qui bêlent en coeur, ils ont laissé comprendre qu'ils attendent une suite à cette petite cérémonie pas très gaie. Je restais calme et en retrait mais j'étais du même avis. J'espère qu'ils ne vont pas nous renvoyer chez nous juste après ces quelques mots ! Elle a évoqué le fait que la Ligue n'était pas qu'un repère pour psychopathes mais qu'elle a bien des convictions et des idéaux. Du blabla pour les uns, une véritable campagne électorale pour d'autres, l'ode aux criminels de la jeune femme me feraient bailler, moi. Un autre téméraire prend la parole et crie sur un ton sévère :

"On va avoir droit à un test écrit ? C'est quoi, une école pour vilains ?! une intervention bien moins utile ma foi.

On sent l'impatience et l'excitation monter dans le groupuscule. Les malfrats sont comme des enfants de 1 à 3 ans ; leur temps de concentration est limité. Ils ont besoin de consignes claires et concises, et puis d'être mis rapidement en action, sinon, on les perd ... Je constate qu'ils sont pas si difficiles à cerner, ces "grands méchants" ...

La demoiselle s'était offusquée des questions posées. On ne peut pas lui en vouloir, ces types n'en ont posé aucune de bien pertinente. Je dois tout de même avouer être curieux sur le contenu de nos premières journées au sein de la Ligue. La "référente" n'avait pas l'air bien intéressée par la bleusaille, précisant qu'elle n'était absolument pas là pour nous observer, un rôle qu'elle laisse aux espions du grand manitou présents supposément partout. Quand elle a évoqué la possibilité qu'un espion se trouve même parmi nous, les nouveaux membres se regardaient les uns les autres, comme si un sentiment de doute et d'insécurité venait d'être instauré. Je n'ai pas bougé de mon coin, j'avais déjà une bonne vue d'ensemble et quand certains regards m'ont dévisagé, j'ai compris que mon écart avec les autres leur donnait l'impression que j'étais une taupe.

Des questions plus personnelles ? De quoi parle t-elle ? Je doute que nous soyons là pour faire ami-ami, même si la recherche d'alliés reste mon objectif principal. C'est que je n'ai jamais été à l'aise avec les filles, moi. J'aurais bien aimé aller la voir pour ne serait-ce que connaître son nom mais mon corps me forçait à rester immobile. Hmpf... Cela fait un bout de temps que je n'ai pas été paralysé par la peur. Quand je pense que j'ai affronté d'autres dangers, j'ai même fait face à la mort à maintes reprises ! Il suffisait d'un battement de cils pour me renvoyer dans les tréfonds de la crainte ? Pitoyable.

La jeune femme m'a indirectement aidé en proposant quelque chose qui me parle beaucoup plus ! Une petite attaque de convoi dit-elle ? Ca, ça me branche ! Je suis un mercenaire, un homme de main que l'on paie pour ses services. Attaquer, défendre, escorter, voler, détourner, kidnapper ... tout ça, c'est dans mes cordes. J'ai alors pu faire un geste, enfin. Je me suis rapproché d'elle et visiblement je n'étais pas le seul à vouloir en savoir plus. Au moins six autres gusses étaient maintenant attroupés autour de notre supérieure. Ils avaient tous les lèvres brûlantes de question et l'esprit avide de réponses, je les balayais brièvement du regard avant de briser le silence :

"Il va nous falloir plus de détails sur ce contrat, mademoiselle. Qui attaque t-on ? Que transporte t-il ? D'où vient-il et où est-ce qu'il va ? J'ose espérer que la Ligue n'est pas une bande de lunatiques qui agissent sans aucun plan ... Si non, allez mourir. "

Je n'ai pas mâché mes mots mais au moins, je ne parle pas pour rien. Ils ont beau être les "employeurs", nous avons encore le droit de vérifier la qualité du travail, non ? J'ai eu de mauvaises expériences en bossant avec des amateurs, me faire arrêter : très peu pour moi.

L'idée de pouvoir aller sur le terrain avec eux m'enchante quand même un peu. En pleine phase de recrutement, j'aime bien observer le potentiel, repérer d'éventuels talents intéressants. Pour s'en prendre à un convoi, il faudra s'attendre à ce qu'il soit protégé, surveillé. Je ne peux pas juger à la gueule, mais j'espère que ceux qui nous rejoignent savent se battre. Ce sera également l'occasion de plaire aux "espions" ; s'ils nous regardent effectivement, il est dans notre intérêt de proposer une belle performance. Je me sens légèrement électrisé. C'est toujours comme ça avant un boulot. Faut croire que j'aime ça. Si c'est comme ça tous les jours alors je suis bien tombé chez eux ...

Hmpf.. J'aime mieux ça. Quand on parle boulot, je suis on ne peut plus concentré. Notre référente sortait une carte et détaillait un peu plus l'attaque de convoi qu'elle proposait. Il serait surveillé par un héros lambda et partirait des quais, un briefing relativement simple ma foi ... Où est le piège ? J'imagine que ce ne sera pas aussi simple que ça, après c'est peut-être moi qui imagine le pire...

Elle voulait donc connaître les capacités des participants. Une étape cruciale que j'approuve ; si nous sommes amenés à coopérer autant accorder nos violons pour ne pas se gêner. Je prends note que la demoiselle sait de quoi elle parle. Un bon point pour ce groupe qui, jusqu'ici, ne m'avait pas plus impressionné que ça. Là, au moins, ma curiosité est piquée... Moi aussi j'aimerais savoir ce qu'elle sait faire.

"Même si en temps normal je suis distant et en retrait... le devant de la scène sera pour moi. Je peux créer des armes et défenses en os renforcés... Je suis.. plutôt bon au corps-à-corps.. Bien moins à distance... j'avais un discours lent et réfléchi, j'essaie d'être concis pour que la communication reste efficace.

- Ouais, je préfère moi aussi passer devant. J'ai des roues rétractables dans les mains et sous les pieds, appelez-moi Driver. J'sais me battre mais je suis bien meilleur pilote, pour c'que ça vaut ... dit un homme dont le visage était caché sous un casque de moto. (> apparence <)

- Eh bien, eh bien, que de beau monde. Permettez-moi de me présenter, je suis Arsen, le plus grand voleur de tous les temps. Ce sont de vrais os ?  il se demandait en tenant mon demi-casque dans ses mains alors qu'il était bien à quelques mètres de moi.  (> apparence <)

-Garde tes mains dans tes poches, si tu ne veux pas que je les coupe. j'ai clamé avec rage avant de lui arracher mon accessoire des mains.

- Haha, désolé. C'était seulement pour la démonstration ! Comme vous le voyez, je peux chiper tout ce qui se trouve à ma portée ! Par contre, je crains ne pas être un aussi bon bagarreur que ces messieurs ... il avouait finalement après s'être donné de grands airs pendant tout son spectacle.

Un chauffeur, un pickpocket ... Je me demande ce qu'elle nous réserve d'autre cette Ligue... Nous attendions la fin du tour de présentation avec une question commune au bout des lèvres ; et vous, Miss, quelles sont vos capacités ? Après avoir parlé aussi rudement, nous espérons tous que vous soyez à la hauteur...