Elle flotte comme un esprits dans une myriade de sons, d'odeurs et de souvenirs flous. Des visages familiers se superposent à sa vue sans qu'elle ne se rappelle de leur prénom. Tout juste c'est à peine si leurs traits lui inspire l'ombre d'une émotion lointaine, comme un écho perdu dans une vallée mémorielle.
Un petit bip régulier se mêle à cette danse, les souvenirs gravitent autours d'elle comme des satellites. Elle s'acharne à vouloir les saisir sans jamais faire autre chose que les frôler. Le rythme accélère imperceptiblement. Peu à peu la danse se change en une tornade insaisissable. Un tourbillon illisible de vieux démons.
Le bip devient une cacophonie infernale et saccadé. La petite se retrouve au coeur d'une tornade. Elle panique. Etouffe. Puis cherche a fuir le manège de souvenirs. Elle s'élance de tout son poids contre les parois de la tornade pour sortir de la mêlée.

*BAM*


La détonation d'arme retentie. Son corps se tend comme traversé d'une décharge électrique. Ca lui revient ! L'odeur de poudre, la douleur, la résignation à mourir.
Elle hurle.

Ou plutôt, elle voudrait hurler. Elle se retrouve tremblante dans un autre décors, incapable de bouger. Incapable de penser. Le souvenir du rêve s'échappe. Seul reste le bip saccadé de son cœur répété par les rouage d'une machine médicale infernale.

La petite tente de se redresser. De retirer le tuyaux qui respire à sa place. De supprimer tous ces fils de perfusion qui viennent se mêler dans ses veines. Des alarmes hurlent. Des inconnus de blanc vêtus entrent dans la chambre. L'immobilise, la perfore d'une aiguille.
Elle veux crier, elle veux se débattre. Mais elle est fragile, ses muscles sont fébriles. Et le poison entre déjà dans ses veine, anesthésiant ses pensées.
Presque instantanément, le monde extérieur disparait au profil du néant.

…

Elle erre dans la rue verglacée de la ville incapable de se remémorer comment elle a atterrit là. L'endroit est hostile, inconnu. La drogue parcourt encore son corps et son esprit est confus.
Elle sait qu'elle doit se mettre à l'abris. Ses muscles peu habitués à mouvoir son corps semblent vouloir lâcher un peu plus à chaque pas qu'elle fait. Mais une peur viscérale de la mort l'empêche de flancher.

Ses vêtements d'hôpital dénotent dans le décors et le froid mord sa peau avec la même efficacité d'une mâchoire. Dans la rue, l'enfant attire les regards interloqués des passants et son air de bête effrayée n'arrive pas à éloigner efficacement les bonnes intentions de tous : Un homme tente quand même de l'aborder. Elle trésaille, panique. Incapable de comprendre ce qu'il se passe. La petite tente de s'enfuir. Le pauvre essaie de la retenir en lui prenant le bras et la peur palpable de l'animal la fait hurler sans contrôle. Le samaritain se retrouve projeté a quelques mètres dans la neige. Et effrayée par son propre don, la petite s'enfuie de plus belle dans les ruelles les plus malfamées des lieux.

Au bout d'un certain temps d'errance. La petite Yui entre dans un bâtiment par la porte de service, sans trop saisir comment elle sait que celle ci sera ouverte. Elle le sait, c'est tout. C'est comme une intuition étrange qui lui souffle des mots rassurants dans une langue qu'elle ne comprends pas.

L'enfant est comme dans un état second. Il y a quelque chose d'apaisant dans les couloirs richement décorés. Comme si elle avait finalement trouvé cette chose qu'elle cherchais sans vraiment en comprendre sa nature profonde.
Puis quand elle entend les premières note piano. Son esprit s'apaise. La pureté du son lui rappelle quelqu'un ou quelque chose qu'elle aimait profondément.. Un visage flotte dans son esprit sans qu'elle puisse saisir ses traits. Son incapacité a s'en rapeller la rend éprise d'une tristesse insondable. Elle s'approche doucement de la source du bruit, se retrouvant dans une pièce principale des lieux. Un genre de bar encore vide a cette heure. Elle observe les lieux ainsi sans avoir le soucie d'être discrète. Noyée sous un flot d'une nostalgie étrange qui lui font perdre pied un bref instant.
Pour la première fois depuis son réveil: elle est en sécurité ici. Elle le sait du plus profond de ses cellules

Quand on remarque finalement sa présence, elle s'en moque. Son regard s'accroche à celui d'une femme. Ses yeux gris la sonde un long instant. Captant une chaleur inhabituelle. La gosse tente de parler, sa voix trop rauque brise le maigre silence, elle s'y reprend a quelque fois, encore très peu habituée à l'exercice.

- On se connait ?

Yui était partie en trombe le soir où elle était venue, le soir de son anniversaire. J'avais essayé de le suivre mais ses petites pattes agiles et jeunes sont bien meilleures que les miennes. Je n'étais pas vieille pour autant, attention. Depuis ce jour, je ne l'avais pas retrouvée, je ne comprenais pas. Elle venait souvent me voir, j'allais la voir où elle habitait mais personne. Non, ce n'était pas normal.

« À quoi joues-tu, Yui... »

Me dis-je, en marchant. Je n'aurais jamais pensé qu'une disparition me touchât autant, celle de The Artist m'avait déjà peinée énormément. Je n'avais pas pleuré, je ne l'avais pas supplié, mais la tristesse s'était emparée de moi. Pour être honnête, je pensais même qu'il aurait pu me trahir pour mettre fin à ma vie. Mais bien comme je le pensais ; non.

Yui était mon rayon de soleil et l'était toujours, elle ne m'avait jamais vue pleurer, triste, alors hors de question qu'elle me vît ainsi. Je prévins Charles, un soir, lui expliquant. Nous devions savoir à tout prix où elle était.

Après de longs mois, en recherche, à demander à gauche et à droite, Charles était venu me dire à l'oreille qu'elle était à l'hôpital. Après avoir fini ma soirée, le lendemain matin, j'étais allée la voir, mais elle était dans un comas. J'avais défendu l'idée que j'étais la représente légale, et que je me moquais assurément de le prouver par le biais de papiers, j'avais donc réussi à la voir.

Je venais tous les jours, caresser ses mains, sa joue, son poignet, l'admirer.

« Tu me manques tellement, ma petite Yui. J'espère te revoir sourire, et surtout, réveillée. »

Sourire quand nous étions morts était inutile.

Sauf qu'un jour, je ne savais plus depuis combien de temps je venais, sa voix me sortit de mes songes.

« Yui ? »

Je penchai la tête en la regardant, toujours dans une beauté égyptienne à n'en pas douter, armée et alourdie -ou pas- de bijoux dorés aux oreilles, poignets, bagues et au cou, je lui souris, prenant un air vexé.

« Comment oses-tu m'oublier ? Je n'ai pas pris une ride. »

Dis-je en remuant mes cheveux. J'étais terriblement joyeuse mais je gardais un calme olympien, au moins je souriais.

« Je suis Anket. Madame N comme souvent les personnes m'appellent. »

Elle faisait partie des deux personnes qui connaissaient mon vrai prénom.

« Tu as longtemps dormi. »

Quelque chose lui revient brièvement à la mémoire, comme une bulle d'air qui émerge à la surface. Elle a un vague sentiment de déjà vu sans que ce soit trop précis. Pas de visage, pas de passé. Juste un sentiment de mélancolie qui semble l'habiter quand elle voit le piano de la salle.
Au moins elle a un nom. Il lui parait étranger à elle même, mais elle ne l'a pas perdu quelque part.

- Je comprends pas.

Elle est fébrile, trop d'information, pas assez de temps pour tout assimiler. Elle constate presque par mégarde qu'elle grelotte un peu d'avoir traversé la ville dans la neige avec juste des vêtements d’hôpital et des pieds nus.

- Comment ça j'ai dormi longtemps ?

Elle fronce les sourcils. Quand elle cherche un souvenir de son passé dans sa tête, mais il ne lui vient juste des décharges douloureuses. Des images de violence anonyme, des cris et une odeur métallique et tenace accompagnée d'une douce sueur froide.
Son esprit n'est clairement pas des plus tranquilles. Alors elle cesse très vite l'exercice de peur de se sentir aspiré dans un cauchemars

- Qu'est ce qui m'arrive ? Je comprends plus rien !

Sur ses joues se creusent deux traits salés et silencieux. Pourtant, elle est bien plus dévasté qu'elle ne le laisse voir. Elle voudrait faire un geste vers Anket. Réclamer un peu d'affection pour l'aider a tenir sur ses jambes.
Mais quelque chose de viscéral la paralyse, comme si c'était la première fois qu'elle se sentait aussi vulnérable. Alors elle se contente de rester immobile, le regard lointain et vide, absorbée par un ailleurs.
La voici incapable de trouver une issue a la vague d'émotion puissante qui semble vouloir la noyer.

Je plissai le regard en comprenant ; elle était devenue amnésique. C'était bien trop beau, il fallait forcément une grosse contre-partie pour la revoir. Je remis mes longs cheveux en arrière avant de venir poser ma main sur sa joue pour la caresser, me mettant à son niveau.

« Bien. Tu sembles avoir perdu la mémoire avec ce qui t'est arrivé. Tu sembles avoir... reçu quelque chose dans la tête, et malheureusement, tu ne te rappelles pas de ton passé. Même si tes pupilles semblent réagir à des souvenirs. »

J'étais observatrice, quand je m'étais présentée, elle semblait réfléchir et avoir eu une sorte... d'illumination sans que ce fût trop clair non plus.

« Je suis une amie proche de toi, tu es longtemps restée dans le comas. Donc tu dois te refaire, si je puis dire. »

Je n'osais pas aller trop loin dans mes gestes affectueux, je me contentais de caresser sa joue de mon pouce avec tendresse, amour, et dans un geste qui se voulait maternel.

« Je répondrai à tes questions, Yui. Mais ne t'affole pas, chaque chose en son temps, tu veux bien ? »

Dis-je en souriant. Elle restait adorable malgré tout.

Elle se laisse doucement ramener sur terre. Le contact avec Anket la ramène doucement a cette réalité ou elle est frigorifiée au milieu d'un genre de bar d'un goût trop luxueux pour elle.

- je peux avoir un manteau et une boisson chaude s'il te plait ?

Elle a l'intuition de poser une question rhétorique. Mais néanmoins, elle le fait par politesse.
La petite cherche un endroit ou s'assoir pour reposer ce corps épuisé. Tous les muscles de son corps semblent s'organiser pour manifester de concert leur existence douloureuse. Alors elle prend le temps de se frictionner un peu dans le tissus et de saisir la boisson brûlante avec ses deux mains engelurées avant de briser le silence qui s'installe.

- Vous connaissez ma maman du coup ?

Elle se doute bien que vu la carnation de la belle égyptienne, le lien de sang n'est pas des plus probable. Mais quelque chose lui souffle dans sa tête qu'elle a été un substitut parentale efficace.
Sentant la gêne se profiler a cause de sa question, la petite essaie d'enchainer avec une autre proposition.

- Ou ma famille ?

Les syllabes deviennent plus hésitante a mesure que elle prononce ce mot. Comme un mauvais pressentiment.

« Nous allons rentrer chez moi. »

Je la pris dans mes bras pour la porter. Elle était frigorifiée, mon regard se plissa alors que je marchais, je mis des tissus de ma robe blanche sur elle pour essayer de la maintenir au chaud comme je pouvais. Elle me fendait légèrement le cœur.

« Pour ce qui est de ta maman ou de ta famille, à ma connaissance, tu n'as plus de parent et tu ne m'as jamais révélée de famille quelconque, sauf si tu me l'as caché et il va falloir te rappeler alors. »

Dis-je dans un élan de plaisanterie léger. Je marchais péniblement, mes cheveux longs recouvraient aussi son corps, et par ce biais, j'utilisais mon Alter pour la maintenir discrètement et plus aisément. J'arrivai alors dans les bas-quartiers, à cette heure-ci, nous ne risquions pas grand chose, ou alors nous aurions été très malchanceuses. Enfin, les personnes qui oseraient nous embêter seraient malchanceuses, n'étant pas de très bonne humeur, je ne pouvais pas promettre leur survie.

Quoi qu'il en fût, nous rentrions chez moi, l'appartement était correctement rangé, riche en couleur, et mes origines égyptiennes se voyaient aussi par ce biais.

« Veux-tu prendre une douche, Yui ? »

Dis-je en la regardant, la gardant dans mes tissus et cheveux.

La gamine grimace doucement. Elle est seule ? Sa mémoire essaie de trouver dans sa mémoire des traces de quelque chose qui pourraient contredire cette information. Mais malheureusement, la môme n'y parvient pas. Ou du moins, quelques flash rapides lui indique que ce n'est pas pour l'heure une bonne idée

Bercée dans les bras de Anket, la fillette se prend a somnoler. Ses songes la tire doucement hors de la réalté, et fort heureusement pour elle, c'est la voix de anket qui la tire hors d'un cauchemars naissant dont elle a déjà tout oublié

« Veux-tu prendre une douche, Yui ? »

La môme prend le temps de se redresser avant de répondre par la positive. Elle demande des changes et reste le temps de vider la totalité le ballon d'eau chaude.

Une fois dans des linges propre. La petite recherche Anket du regard. Elle cogite longtemps avant de poser la question qui la dérange depuis qu'elle pris le temps d'y réfléchir.

- Anket ? Je suis un monstre ?

Elle n'a pas vraiment les mots pour décrire la confusion de ce qui se passe dans sa tête. Mais elle le sait. Elle a fait souffrir. Elle a tué. C'est les quatres cicatrices d'une arme a feux sur son corps qui lui souffle ca. Deux a la jambe, une a l'aine et une autre quasi fatale, près du coeur.

Je lui avais alors tout montré, ne savait-on jamais avec cette amnésie malvenue. J'avais préparé un thé pour ma part, que je ne busse pas, je l'attendis. Un chocolat chaud avec chantilly attendit la petite Yui, j'étais sur mon canapé aux motifs égyptiens sur les côtés, avec des ornements dorés.

J'allais lui demander, naturellement, si elle avait apprécié la douche car je ne savais pas quand était la dernière, et aussi "libre" et "agréable ", dans le sens où il n'y a pas d'obligation, pas de rapidité ; juste profiter. Mais elle m'interpella directement avec une étrange question, je haussai un sourcil que je baissasse immédiatement.

« Tu es loin d'être un monstre, ma petite Yui. Mais tu n'es pas toute blanche non plus. »

Dis-je doucement, je croisai les bras sous ma poitrine en ne quittant pas son regard.

« Tu faisais partie des vilains, ceux qui n'apprécient guère les héros et leur soi-disante paix. Et à mes souvenirs, tu as vu et connu le meurtre. Tu n'étais pas non plus la grande bandit kamikaze terroriste mais tu n'étais pas innocente du domaine. »

Je plissai mon regard, j'étais rarement aussi sérieuse.

« Adorable le jour et dangereuse la nuit, j'adorais ce changement. Toi, Uriel et moi étions un petit trio. Malheureusement, il est parti il y a plus d'un an. »

Eus-je dit dans une petite tristesse.

Le temps retient son souffle un bref instant.
Un long moment...

Tout ce temps, un air halluciné se fige sur les traits de Yui, si ses doigts ne s'étaient pas crispés de toute leur force sur la porcelaine fine, elle en laisserait tomber son chocolat chaud sur ses genoux sans être en mesure de réagir à la brûlure.

- Nan...

Les mots de Anket dépoussièrent quelque méandres de sa mémoire. Les souvenirs affluent dans un chaos qui les rendent illisibles.
Elle se voit tirer sur un homme aux traits oubliées, son corps s'effondrer comme une poupée décharnée dont on aurait coupé les fils.
Elle entend le cris d'une femme qui lui supplie de mettre fin à ses souffrance. Mais elle, elle fume une clope, le bord de ses ongles encore rougis.

La petite se recroqueville sur elle même. Son coeur résonne dans ses tempes. Les images qui la terrifie s'effacent brusquement. Et la réalité reprend la forme du salon égyptien d'Anket.

- C'est pas vrai...

Elle mumure à voix basse, l'estomac au bord des lèvres et le visage palit par la frayeur. Son regard se lève vers son interlocutrice, incapable d'appréhender ce qu'elle vient d'entrapercevoir. Le monde est comme composé de couteau et la petite se sens la peau à vif brûler contre chaque surface tranchante de la vie.

- Je suis pas comme toi, ni comme Uu !

Le surnom affectueux revient naturellement dans sa bouche. Mais elle s'en moque. trop en colère pour se soucier d'une quelconque incohérence.

- Arrete de mentir !

En même temps que sa rage aveugle, il y a l'écho d'une vibration, son alter semble doucement s'activer sans qu'elle n'en ait conscience .

Au fur et à mesure de mes paroles, je voyais son visage chercher, appréhender, comprendre. Je pensais comprendre que son esprit essayait de lui remémorer des souvenirs liés à sa vie d'avant. Et c'était un petit objectif que j'essayais justement d'accomplir pour qu'elle redevînt ce qu'elle était, qui elle était. Je plissai le regard en la voyant être négative, comme refuser ses visions. Mes yeux s'ouvrirent un peu plus quand elle sortit le surnom d'Uriel, enfin, celui qu'elle lui avait donné plutôt. J'allais répondre mais sa dernière exclamation me fit légèrement grincer les dents.

« Tu sors le surnom d'Uriel sans que je n'aie eu besoin de le mentionner, tu sembles te rappeler de choses. Tu crois que je m'amuse à te manipuler ? J'essaie de te faire rappeler ta vie d'avant. »

Je pris une pose plus droite et sérieux, le regard plissé.

« Quant à ta voix, ne la hausse pas, je te prie. J'aimerais éviter de refaire du ménage ou racheter des choses. »

Je pris une pose avant de croiser les jambes, je soufflai sur ma tasse pour boire une gorgée. Comme toute personne sortant d'un comas et connaissant l'amnésie, elle semblait délirer, ne pas accepter, réfléchir, il fallait qu'elle se ressaisît et vite. Je tenais toujours la tasse par la hanse en la regardant.

« J'essaie de t'aider, Yui. Comprends-le. »

Dis-je sérieusement.

La gamine continue de hausser le ton juste par esprit de contradiction, essayant tout de même de garder le contrôle de son alter malgré la colère débordante qui agite son esprit juvénile.

- J'en veux pas de ta putain d'aide !

Ainsi crache t-elle au visage de sa bienfaitrice. Ses paroles reprennent avec une profonde conviction.

- Tu comprends pas ? Je... J'suis pas comme vous ! J'aime pas tuer ! Je serai plus jamais une criminelle !

En parlant, elle sent les larmes monter aux yeux, mais une partie d'elle se refuse à pleurer impudiquement devant Anket. Dans la ligue, personne n'était la pour réconforter son chagrin, au mieux, elle récoltait le mépris de ses paires.
Même arrachée a sa nature de vilaine, l'enfant garde toujours un trop plein de fierté pour montrer qu'elle est appeurée et complêtement perdu sans l'égyptienne.
La gamine continue son petit laius, sans prendre le temps d'organiser ses pensées.

- Je juste veux être normale. Avoir une famille, des amis. Aller a l'école.

Sa voix meurt doucement, elle se rappelle vaguement à quel point elle enviais toujours les enfants de son âge. Toujours à sourire pour un bonheur stupide avec leur faiblesse suintante par tous les pores de leur peau flasque. On lui a toujours dit d'être forte, jamais d'être heureuse.

Un nouveau regard écarquillé, me concernant. Sa première réponse fut vive, rapide, énervée. Je me tus alors pour la voir enchaîner, ensuite des larmes qui ne voulaient pas bondir de ses yeux. Et elle me parla d'une réalité qui l'avait effectivement suivie pendant un long moment. Elle n'avait rien d'une enfant ordinaire, déjà par le fait d'avoir un Alter, d'être liée aux vilains, avoir connu le meurtre, le sang, les conflits.

J'eus un visage sérieux, même si de l'énervement et de la tristesse étaient aussi présents mais je cachais cette partie.

« De souvenir, tu as tué dans l'anonymat donc être... normale, comme tu dis, tu peux encore y arriver, je pense. »

Dis-je sincèrement en buvant une bonne gorgée du thé, le gardant en main tout en ne la quittant pas du regard.

« Ne t'énerve pas contre moi, s'il y a bien une personne qui t'aidera assurément, qu'importe les obstacles, c'est bien moi. »

Uriel peut-être, mais il n'était plus là. Charles aussi, même s'il était davantage à mon écoute, et un peu ancien.

« Ne t'énerve pas contre moi, s'il y a bien une personne qui t'aidera assurément, qu'importe les obstacles, c'est bien moi. »

L’enfant enrage face à cette vérité.  Elle a envie de répondre, de sortir, de claquer la porte. Elle n’a jamais vraiment expérimenté une colère aussi vive, c’est un exercice nouveau que de tenter de la contenir.

- Alors pourquoi tu n’as rien fait avant ?

La question insolente est posée sèchement. Pourtant, l’expression de Yui s'adoucit, ou du moins se perd dans ses pensées. Comme absorbé par des fragments flou d’une enfance de solitude.
Passé le choc des souvenirs violent, elle constate :  son cerveau est une abyme dont chaque morceau brisant la surface l’attriste au plus haut point.

- Pourquoi j’ai l’impression d’être seule au monde ?

Elle lutte pour ne pas se briser en parlant. Et pourtant le constat est là. Claire comme du cristal. Elle se sent juste profondément vide.

L'attitude courroucé de Yui ne cessait guère mais mon flegme l'emporterait. Je n'allais pas m'emporter, je perdrais davantage le fil de la conversation et sa confiance, ou du moins, le peu qu'elle essayait de ressasser.

« Pourquoi ? Parce-que tu n'en faisais qu'à ta tête, tu partais seule exécuter des missions. C'était une fierté de t'avoir, aussi jeune et si prometteuse. Sauf que tu es partie, sans revenir. Et tu parlais très peu d'où tu allais. Donc je ne savais pas où tu étais. J'ai demandé beaucoup à Charles, à diverses personnes pour te retrouver. Le seul désespoir que j'avais, était de retrouver ton corps inanimé, quelque part. Je remercie je ne sais qui que ce ne fut pas le cas. »

Je soupirai longuement.

« Tu n'es pas seule. Nous étions un petit trinôme. Mais une personne de ce groupe est partie, nous voilà toutes les deux. »

Je passai une main dans ma chevelure pour remettre des cheveux rebelles dans mon dos.

« Je n'ai pas cessé de te chercher. Je n'ai pas passé ces derniers mois qu'à ça, car je mentirais, mais quand Charles m'a dit qu'on t'avait retrouvée, à l'hôpital et que c'était à cent pour cent toi, j'ai foncé. Ne doute pas de moi, je te prie et redis. »

Je la regardai avec un petit sourire.

Elle voudrait exploser, lui dire qu'elle n'est pas sa mère, qu'elle la déteste même. Mais l’enfant n'est même pas sûre que ce soit vrai. Yui est juste dépassée par la réalité, sous la colère, la gamine voudrait simplement s’enfuir en courant. Genre… Dans un endroit loin de tout, isolé d'elle-même et des autres. Le type d'endroit où elle pourrait trouver ce qui est nécessaire faire taire les pensées horribles qui défilent sans s'arrêter dans sa tête... Par exemple,  un quai de métro et un peu de courage

Yui goûte à cette émotion étrange qu’est la peur d’être étrangère à ses pensées. Outre les idées morbides qui tournent dans sa tête sans qu’elle n’arrive à freiner la vitesse, ça se traduit par le goût billieux d’angoisse dans sa bouche, la sueur froide, le cœur qui frappe ses tempes à un rythme effréné. La panique suintante de chacun de ses pores et l’impression horrible de mort imminente.

Puis d’un coup, le silence. La gamine se sent brusquement arrachée à cette réalité. Le monde se décolore de ce vernis de vérité et elle a l’indescriptible sensation d’être dans un rêve.
Plus d’angoisse, plus de peur.  Rien n’a d’importance a ses yeux.Et il ne reste plus que d'elle la coquille d'un personnage jouant une pièce de théâtre.
Son corps aussi semble se distendre. L'enfant sent à peine ses jambes porter son poids. Elle se rend distraitement compte que ses bras ne pèse plus rien, elle pourrait oublier leur existance.
Elle ferme les yeux un bref instant, puis les rouvres. Presque troublée par l'impression doucatre de ne plus exister.

“ D’accord, tu es ma famille et je douterai plus de ca”

La voie est placide, déconnectée. Comme l’esprit de Yui a cet instant.

“J’aimerai  aller à l'école. Et je voudrais que la ligue continue de me croire morte”

Elle s’est surpassée. La gamine formule quelque chose de cohérent malgré cette impression latente de devenir dingue.

Une nouvelle guerre se faisait dans son esprit. J'hésitais entre soit elle me répondait « Ferme-la, tu n'es rien » ou « Oui tu as raison », et en même temps, le choix était trop utopique.

Non, Yui, il fallait me surprendre, là.

. . .

Tu avais réussi, j'ouvris à peine plus les yeux pour lui sourire gaiement.

« Je peux te l'espérer. »

Je pris une teinte à peine plus triste.

« Ils te pensent morte, si je ne m'abuse. Mais aller à l'école t'expose aussi, ils peuvent te retrouver. Sauf si tu changes de nom. On ne sait pas à quel point ils sont tordus. Fais attention, Yui. On rentre dans la ligue des Vilains, mais en sortir peut être compliqué. »

Je soupirai légèrement en passant une main dans les cheveux de ma petite Yui. J'appréciais de nouveau sa compagnie, visiblement heureuse, non, je l'étais totalement et je ne lui cachais pas.

« Ils te pensent morte, si je ne m'abuse. Mais aller à l'école t'expose aussi, ils peuvent te retrouver. Sauf si tu changes de nom. On ne sait pas à quel point ils sont tordus. Fais attention, Yui. On rentre dans la ligue des Vilains, mais en sortir peut être compliqué. »

Yui opigne du chef avec gravité. Anket n’a pas à prouver qu'elle est un pilier de sa vie. Yui comprend pourquoi a la sortie de l'hôpital elle a pris instinctivement le chemin le plus direct pour la rejoindre, sans qu’elle sache vraiment pourquoi.

Et malgré la précarité de sa situation, sa soudaine angoisse se calme peu à peu. Son cerveau cesse de s’agiter dans une boucle de penser sordide. L’anxiété reste, toujours là, enfouie dans une partie de son esprit comme une tumeur mentale. Yui sait qu’elle est toujours à la frontière. Elle peut se sentir débordée par elle en un instant.
Mais au moins, elle n’est pas seule.

- Je suis désolée de… De ce que j’ai dis a propos de Uu, et de la ligue… Et, euh… tout le reste. J’le pensais pas. C’est juste que… Je...

Elle voudrait pouvoir finir sa phrase. Mais en parlant, Yui perd ses mots et sa retenue. Elle qui aimait se figurer être forte, digne a l'image de tout vilain de la ligue qu'elle idéalisait. Quelque chose la rappelle a sa condition d'enfant. Un barrage saute a l'instant précis ou sa phrase se perd, et toute ses émotions qui rejaillissent sans qu’elle ne le contrôle vraiment.
Alors l’enfant se rue contre Anket. Pleurant tout l’eau de son corps pour la premiere fois depuis une éternité.

- Merci. Merci pour tout.