Elle est là, sous la pluie, immobile. Elle fixe le ciel, un sourire heureux sur les lèvres, comme si le froid ne lui glaçait pas les os, comme si elle était face au plus beau spectacle de toute sa vie. Sa longue chevelure brune, habituellement volumineuse, est plaquée contre son joli visage rond, mais elle n’en a cure, car ses yeux couleur chocolat cherchent, au travers les nombreux nimbostratus, un petit rayon de soleil. Lorsqu’enfin, un rayon de soleil vint se frayer un chemin au travers de la pluie, elle se tourna vers toi. Elle te souriait, innocemment, ignorant parfaitement le sentiment que cette vue réveillait en toi. Ses dents, pas totalement droites, légèrement espacées, lui donnait ce côté enfantin qui collait si bien avec ses joues rebondies et ses tâches de rousseur, qu’elle détestait tant. Dans sa robe rose pastelle, rendu moulante par l’averse, tu pouvais voir la courbure de ses hanches, la finesse de son tronc et la légère pente que créait sa poitrine, bien camouflée derrière la cascade de sa chevelure.

À cette distance, tu pouvais à peine percevoir les fossettes que créait son sourire et la cicatrice qui longeait son menton, résultat d’une mauvaise chute qu’elle avait fait en te fuyant, alors que vous étiez occupés à jouer aux super-héros et aux vilains, il y a de cela bien des années. Son sac en forme de lapin entre les mains, tu la regardais se mettre à l’abris pour retirer l’eau accumulé dans ses vêtements. Ses chaussures trempées, elle les retira avant de s’approcher de toi, toujours aussi souriante. Tu lui tendis son sac, maintenant ton parapluie au-dessus de vos têtes, avec un sourire aux lèvres, toi aussi. De ses lèvres pulpeuses, elle vint embrasser ta joue pour te remercier, te faisant rougir. Alors qu’elle s’éloigne, son odeur de d’épice et de citrouille embaume l’air autour de toi, te faisant sourire. Kagerou...Cette fille te mènera à ta perte, tu le sais, mais tu n’en as cure. À ce moment précis, alors qu’un arc-en-ciel naissait dans le ciel, tu te permis d’espérer.

Elle est concentrée sur son manuel, mordant distraitement sa lèvre inférieure, signe qu’elle ne comprend pas l’exercice devant elle, mais tu ne lui proposes pas ton aide. Elle n’en voudrait pas. Elle est comme ça, Kagerou. Elle n’aime pas qu’on lui offre son aide, ça lui donne l’impression d’être faible, comme si les gens ne croyaient pas en elle. Elle préfère se battre, tenter toutes les possibilités, avant de se tourner vers quelqu’un. C’est un cadeau empoisonné qui lui vient de son père : un honneur surdimensionné. Malgré ce trait de caractère, qui pourrait faire croire qu’elle est une jeune fille froide, elle se révèle être quelqu’un de très amicale, qui aime aider. Toujours souriante, comme si la vie ne l’avait jamais blessé, elle voit toujours la vie le plus positivement possible, une vraie optimiste. Tu te tournes de nouveau vers elle, elle a compris et tu le sais, car ses yeux sont maintenant empreints d’un soupçon d’allégresse, elle est fière. Lorsque tu la vois ainsi, tu as du mal à te dire que c’est cette jeune fille-là, dans votre intimité, qui pleure lorsqu’elle perd aux jeux vidéos, qui pleure lorsque son chat ne vient pas la voir lorsqu’elle rentre, cette même jeune fille qui a pleuré, le jour où tu as dû recoudre son sac à dos de lapin, car elle l’avait déchiré en essayant de te frapper avec, après une mauvaise blague de ta part. Car c’est ça, Kagerou. Elle a l’air si forte, elle joue les dures à cuire, elle aime faire croire aux gens que sa vie est toujours rose, mais avec toi, elle redevient cette fille qui s’accroche à de vieux souvenirs et qui apprend chaque jour comment ne garder que le bon de ces souvenirs, pour laisser le mauvais partir.

Tu caresses soudainement ses cheveux, la faisant sursauter, mais également sourire un peu plus. Elle est innocente, Kagerou. Du haut de ses 15 ans, elle n’a jamais expérimenté l’amour, comme enfermée dans une bulle, comme si quelqu’un refusait qu’elle s’éloigne, qu’elle change. Tu es ce quelqu’un, Soma. Tu as peur de la perdre. Ton amour pour elle est malsain et elle, elle t’aime trop pour le voir. Tu veux qu’elle soit à toi, mais elle ne le sera jamais et tu l’as su, dès que tu l’as vue.